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Auguste au monde entier donne aujourd'hui la paix ;
Sur toute la nature il répand ses bienfaits.
Après les longs travaux d'une guerre odieuse,
Ayant vaincu la terre, il veut la rendre heureuse.
Du haut du Capitole il juge tous les rois,
Et de ceux qu'on opprime il prend en main les droits.
Qui peut à ses bontés plus justement prétendre
Que mes faibles enfants, que rien ne peut défendre,
Et qu'une mère en pleurs amène auprès de lui
Du bout de l'univers implorer son appui ?
Pour conserver les fils, pour consoler la mère,
Pour finir tous mes maux, c'est en vous que j'espère :
Je m'adresse à vous seul, à vous, à ce grand coeur,
De la simple vertu généreux protecteur ;
À vous à qui je dois ce jour que je respire :
Seigneur, éloignez-moi de ce fatal empire.
Ma mère, mes enfants, je mets tout en vos mains ;
Enlevez l'innocence au fer des assassins.
Vous ne répondez rien ! Que faut-il que je pense
De ces sombres regards et de ce long silence ?
Je vois que mes malheurs excitent vos refus.

SOHÊME.

Non... je respecte trop vos ordres absolus.
Mes gardes vous suivront jusque dans l'Italie ;
Disposez d'eux, de moi, de mon coeur, de ma vie :
Fuyez le roi, rompez vos noeuds infortunés ;
Il est assez puni si vous l'abandonnez.
Il ne vous verra plus, grâce à son injustice ;
Et je sens qu'il n'est point de si cruel supplice...
Pardonnez-moi ce mot, il m'échappe à regret ;
La douleur de vous perdre a trahi mon secret.
J'ai parlé, c'en est fait ; mais malgré ma faiblesse,
Songez que mon respect égale ma tendresse.
Sohême en vous aimant ne veut que vous servir,
Adorer vos vertus, vous venger, et mourir.

MARIAMNE.

Je me flattais, seigneur, et j'avais lieu de croire
Qu'avec mes intérêts vous chérissiez ma gloire.
Quand Sohême en ces lieux a veillé sur mes jours,
J'ai cru qu'à sa pitié je devais son secours.
Je ne m'attendais pas qu'une flamme coupable
Dût ajouter ce comble à l'horreur qui m'accable,