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Si la terre avec joie embrasse ses genoux,
S'il mérite sa gloire, il fera tout pour vous.

MARIAMNE.

Je vois qu'il n'est plus temps que mon coeur délibère ;
Je cède à vos conseils, aux larmes de ma mère,
Au danger de mes fils, au sort, dont les rigueurs
470 Vont m'entraîner peut-être en de plus grands malheurs.
Retournez chez ma mère, allez ; quand la nuit sombre
Dans ces lieux criminels aura porté son ombre,
Qu'au fond de ce palais on me vienne avertir :
On le veut, il le faut, je suis prête à partir.


Scène V.

Mariamne, Sohême, Élise.
SOHÊME.

Je viens m'offrir, madame, à votre ordre suprême ;
Vos volontés pour moi sont les lois du ciel même :
Faut-il armer mon bras contre vos ennemis ?
Commandez, j'entreprends ; parlez, et j'obéis.

MARIAMNE.

Je vous dois tout, seigneur ; et, dans mon infortune,
Ma douleur ne craint point de vous être importune,
Ni de solliciter par d'inutiles voeux
Les secours d'un héros, l'appui des malheureux.
Lorsque Hérode attendait le trône ou l'esclavage,
Moi-même des Romains j'ai brigué le suffrage ;
Malgré ses cruautés, malgré mon désespoir,
Malgré mes intérêts, j'ai suivi mon devoir.
J'ai servi mon époux ; je le ferais encore.
Il faut que pour moi-même enfin je vous implore ;
Il faut que je dérobe à d'inhumaines lois
Les restes malheureux du pur sang de nos rois.
J'aurais dû dès longtemps, loin d'un lieu si coupable,
Demander au sénat un asile honorable ;
Mais, seigneur, je n'ai pu, dans les troubles divers
Dont la guerre civile a rempli l'univers,
Chercher parmi l'effroi, la guerre et les ravages,
Un port aux mêmes lieux d'où partaient les orages.