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À Salome.

Je ne vous retiens point, et vous pouvez, madame,
Aller apprendre au roi les secrets de mon âme ;
Dans son coeur aisément vous pouvez ranimer
Un courroux que mes yeux dédaignent de calmer.
De tons vos délateurs armez la calomnie :
J'ai laissé jusqu'ici leur audace impunie,
Et je n'oppose encore à mes vils ennemis
Qu'une vertu sans tache et qu'un juste mépris.

SALOME.

Ah ! c'en est trop enfin ; vous auriez dû peut-être
Ménager un peu plus la soeur de votre maître.
L'orgueil de vos attraits pense tout asservir :
370 Vous me voyez tout perdre, et croyez tout ravir ;
Votre victoire un jour peut vous être fatale.
Vous triomphez... Tremblez, imprudente rivale !


Scène III.

Mariamne, Élise, Narbas.
ÉLISE.

Ah ! madame, à ce point pouvez-vous irriter
Des ennemis ardents à vous persécuter ?
La vengeance d'Hérode, un moment suspendue,
Sur votre tête encore est peut-être étendue ;
Et, loin d'en détourner les redoutables coups,
Vous appelez la mort qui s'éloignait de vous.
Vous n'avez plus ici de bras qui vous appuie ;
Ce défenseur heureux de votre illustre vie,
Sohême, dont le nom si craint, si respecté,
Longtemps de vos tyrans contint la cruauté,
Sohême va partir ; nul espoir ne vous reste.
Auguste à votre époux laisse un pouvoir funeste :
Qui sait dans quels desseins il revient aujourd'hui ?
Tout, jusqu'à son amour, est à craindre de lui :
Vous le voyez trop bien ; sa sombre jalousie
Au delà du tombeau portait sa frénésie ;
Cet ordre qu'il donna me fait encor trembler.
Avec vos ennemis daignez dissimuler :
La vertu sans prudence, hélas est dangereuse.