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INTRODUCTION.


Ses opéras aussi méritent de fixer l’attention du lecteur moderne. Ces sortes de poëmes étaient jusqu’alors purement mythologiques ou fabuleux. Il essaya d’en tirer parti et de leur donner un sens, une portée philosophique. Samson, Tanis et Zélide, Pandore, devancent nos grands opéras modernes, la Muette, les Huguenots, le Prophète, Faust, Caïn, etc., et si Voltaire ne réussit pas à transformer ce genre, si ses compositions ne purent arriver à la scène, c’est qu’ici il ne pouvait agir seul et qu’il avait à compter d’abord avec les musiciens, qui s’empressaient de l’abandonner. Que de mal il se donna pour tâcher d’amadouer l’intraitable Rameau ! Ce fut en vain qu’il déploya pour lui seul une patience surprenante ; en vain qu’il se fit placide, résigné jusqu’à l’affectation. « Ce Rameau est aussi grand original que grand musicien, écrivait-il au président Hénault ; il me mande que j’aie à mettre en quatre vers tout ce qui est en huit, et en huit tout ce qui est en quatre. » Le musicien ne se souciait pas plus de l’auteur de Zaïre que des plus vulgaires librettistes, et leur association n’aboutit à rien qu’au ballet de la Princesse de Navarre.

Cet ensemble considérable d’œuvres dramatiques variées, inégales, mais puissantes, va passer de nouveau sous les yeux du lecteur, qui, s’il est bien inspiré, se gardera des opinions toutes faites et voudra juger par lui-même.


Louis MOLAND.