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158 AVERTISSEMENT.

Dédaigner mes faveurs ! mes flammes mespriser ! Le devoir d’une femme au mary refuser ! Voir que d’iiumilito je te prie et reprie D’appaiser de mes feux l’amoureuse furie !…

Voilà lo crime de Mariamne, et ce qui détermine llérode à la faire mou- rir ; mais aussitôt qu’il apprend que ses ordres ont été exécutés, bourrelé de remords, il s’abandonne au plus alîreux désespoir.

Après la tragédie de Hardy, il faut citer celle de Tristan l’Hermite, re- présentée en 1636, qui balança, dans la nouveauté, la fortune du Cid.

Tristan a suivi Alexandre Hardy pas à pas, et tous deux ont suivi l’his- toire, qui leur a fourni non-seulement les personnages, leurs intérêts et leurs caractères, mais encore l’économie du poëme et la distribution de toutes ses parties. Le progrès est surtout dans le style et dans la versification : la rime est d’une richesse extraordinaire.

Le caractère d’Hérode est vivement peint et très-bien soutenu. On le voit, dès la première scène, agité de ces terreurs funèbres qui accompagnent le tyran. Tourmenté par un songe effroyable, il se réveille en sursaut et s’irrite contre le fantôme importun qui trouble son sommeil. Son frère et sa sœur accourent à ses cris ; il leur raconte le sujet de sa frayeur. Son récit serait beau, s’il était moins ampoulé ; il a dû être goûté dans un temps où les songes n’étaient pas encore une machine usée et banale. La mort de Ma- riamne a lieu dans l’intervalle qui sépare le quatrième acte du cinquième. Tout le cinquième acte est consacré aux remords, aux fureurs d’Hérode ; il faisait un prodigieux effet, grâce surtout à l’énergie de l’acteur Mondory, qui jouait lo personnage d’Hérode. C’est dans une représentation de cette pièce que cet acteur célèbre fut frappé d’apoplexie. Il survécut à cette attaque, mais dut renoncer au théâtre.

Le père Rapin, dans ses Réflexions sur la poétique^ dit que le peuple ne sortait de la représentation de cette pièce que rêveur et pensif, faisant réflexion à ce qu’il venait de voir, et pénétré en même temps d’un grand plaisir. « En quoi, ajoute-t-il, on a vu un petit croquis des fortes impres- sions que faisait la tragédie grecque. »

Lorsque Voltaire eut traité le même sujet, J.-R. Rousseau, alors brouillé avec l’auteur de la nouvelle Mariamne, entreprit de ressusciter celle de Tristan : « Je vous dirai, écrivait-il à l’abbé d’Olivet (8 déc. 1724), (jue, depuis votre dépari, à l’aide do soixante ou (piatre-vingts vers corrigés (il y en eut cent soixante-cinq en fin de compte), d’un pareil nonil)re retranchés, et de vingt ou trente au plus suppléés, je viens de rendre cette tragédie le plus beau morceau de poésie dramatique qui soit peut-être dans notre langue… Je vous en demande le secret, mais je veux la faire imprimer et ensuite repré- senter ici (il Bruxelles) l’année prochaine, j)Our faire voir que, quand on a en main des ouvrages traités comme celui-là, et qu’il ne s’agit que d’en j.af’commoder ce que lo temps a fait vieillir ou qu’une délicatesse un peu scrupuleuse a i)u rendre choquant, c’est une témérité de vouloir prétendre à en abolir la mémoire en leur substituant d’autres ouvrages sur le même sujet quand on n’a pas la force de faire mieux. »