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ŒDIPE.

Les feux contagieux ne sont plus allumés ;
Vos tombeaux qui s’ouvraient sont déjà refermés ;
La mort fuit, et le dieu du ciel et de la terre
Annonce ses bontés par la voix du tonnerre.

(Ici on entend gronder la foudre, et l’on voit briller les éclairs.)
Jocaste.

Quels éclats ! Ciel ! Où suis-je ? Et qu’est-ce que j’entends ?
Barbares !…

Le Grand-Prêtre.

Barbares !…C’en est fait, et les dieux sont contents.
Laïus du sein des morts cesse de vous poursuivre ;
Il vous permet encor de régner et de vivre ;
Le sang d’Œdipe enfin suffit à son courroux.

Le chœur.

Dieux !

Jocaste.

Dieux !Ô mon fils ! Hélas ! Dirai-je mon époux ?
Ô des noms les plus chers assemblage effroyable !
Il est donc mort ?

Le Grand-Prêtre.

Il est donc mort ?Il vit, et le sort qui l’accable
Des morts et des vivants semble le séparer :
Il s’est privé du jour avant que d’expirer.
Je l’ai vu dans ses yeux enfoncer cette épée
Qui du sang de son père avait été trempée ;
Il a rempli son sort ; et ce moment fatal
Du salut des Thébains est le premier signal.
Tel est l’ordre du ciel, dont la fureur se lasse ;
Comme il veut, aux mortels il fait justice ou grâce ;
Ses traits sont épuisés sur ce malheureux fils.
Vivez, il vous pardonne.

Jocaste, se frappant.

Vivez, il vous pardonne.Et moi, je me punis.
Par un pouvoir affreux réservée à l’inceste,
La mort est le seul bien, le seul dieu qui me reste.
Laïus, reçois mon sang, je te suis chez les morts :
J’ai vécu vertueuse, et je meurs sans remords.

Le Chœur.

Ô malheureuse reine ! ô destin que j’abhorre !

Jocaste.

Ne plaignez que mon fils, puisqu’il respire encore.