Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
ACTE III, SCÈNE V.

Va, fuis, n’excite plus le transport qui m’agite,
Et respecte un courroux que ta présence irrite ;
Fuis, d’un mensonge indigne abominable auteur.

Le Grand-Prêtre.

Vous me traitez toujours de traître et d’imposteur :
Votre père autrefois me croyait plus sincère.

Œdipe.

Arrête : que dis-tu ? Qui ? Polybe mon père…

Le Grand-Prêtre.

Vous apprendrez trop tôt votre funeste sort ;
Ce jour va vous donner la naissance et la mort.
Vos destins sont comblés, vous allez vous connaître.
Malheureux ! Savez-vous quel sang vous donna l’être ?
Entouré de forfaits à vous seul réservés,
Savez-vous seulement avec qui vous vivez ?
Ô Corinthe ! ô Phocide ! Exécrable hyménée !
Je vois naître une race impie, infortunée,
Digne de sa naissance, et de qui la fureur
Remplira l’univers d’épouvante et d’horreur.
Sortons.


Scène V.

ŒDIPE, PHILOCTÈTE, JOCASTE.
Œdipe.

Sortons.Ces derniers mots me rendent immobile :
Je ne sais où je suis ; ma fureur est tranquille :
Il me semble qu’un dieu descendu parmi nous,
Maître de mes transports, enchaîne mon courroux,
Et, prêtant au pontife une force divine,
Par sa terrible voix m’annonce ma ruine.

Philoctète.

Si vous n’aviez, seigneur, à craindre que des rois,
Philoctète avec vous combattrait sous vos lois ;
Mais un prêtre est ici d’autant plus redoutable
Qu’il vous perce à nos yeux par un trait respectable.
Fortement appuyé sur des oracles vains,
Un pontife est souvent terrible aux souverains ;
Et, dans son zèle aveugle, un peuple opiniâtre,
De ses liens sacrés imbécile idolâtre,