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ACTE TROISIÈME.




Scène I.

JOCASTE, ÉGINE.
Jocaste.

Oui, j’attends Philoctète, et je veux qu’en ces lieux
Pour la dernière fois il paraisse à mes yeux.

Égine.

Madame, vous savez jusqu’à quelle insolence
Le peuple a de ses cris fait monter la licence :
Ces Thébains, que la mort assiége à tout moment,
N’attendent leur salut que de son châtiment ;
Vieillards, femmes, enfants, que leur malheur accable,
Tous sont intéressés à le trouver coupable.
Vous entendez d’ici leurs cris séditieux ;
Ils demandent son sang de la part de nos dieux.
Pourrez-vous résister à tant de violence ?
Pourrez-vous le servir et prendre sa défense ?

Jocaste.

Moi ! Si je la prendrai ? Dussent tous les Thébains
Porter jusque sur moi leurs parricides mains,
Sous ces murs tout fumants dussé-je être écrasée,
Je ne trahirai point l’innocence accusée.
Mais une juste crainte occupe mes esprits :
Mon cœur de ce héros fut autrefois épris ;
On le sait : on dira que je lui sacrifie
Ma gloire, mes époux, mes dieux, et ma patrie ;
Que mon cœur brûle encore.

Égine.

Que mon cœur brûle encore.Ah ! Calmez cet effroi :
Cet amour malheureux n’eut de témoin que moi ;
Et jamais…