Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome19.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
ÉZOUR-VEIDAM.

saïque, le déjeuner d’Ézéchiel, ses belles attitudes sur le côté gauche ; Oolla et Ooliba sont des choses admirables : ce sont des types, mon frère, des types qui figurent qu’un jour le peuple juif sera maître de toute la terre ; mais pourquoi en avez-vous omis tant d’autres qui sont à peu près de cette force ? pourquoi n’avez-vous pas représenté le Seigneur disant au sage Osée, dès le second verset du premier chapitre : « Osée, prends une fille de joie, et fais-lui des fils de fille de joie. » Ce sont ses propres paroles. Osée prit la demoiselle, il en eut un garçon, et puis une fille, et puis encore un garçon ; et c’était un type, et ce type dura trois années. Ce n’est pas tout, dit le Seigneur, au troisième chapitre : « Va-t’en prendre une femme qui soit non-seulement débauchée, mais adultère. » Osée obéit ; mais il lui en coûta quinze écus et un setier et demi d’orge : car vous savez que dans la terre promise il y avait très-peu de froment. Mais savez-vous ce que tout cela signifie ? — Non, lui dis-je. — Ni moi non plus, dit le rabbin. »

Un grave savant s’approcha, et nous dit que c’étaient des fictions ingénieuses et toutes remplies d’agrément. « Ah ! monsieur, lui répondit un jeune homme fort instruit, si vous voulez des fictions, croyez-moi, préférez celles d’Homère, de Virgile et d’Ovide. Quiconque aime les prophéties d’Ézéchiel mérite de déjeuner avec lui. »


ÉZOUR-VEIDAM[1].


Qu’est-ce donc que cet Ézour-Veidam qui est à la Bibliothèque du roi de France ? C’est un ancien commentaire, qu’un ancien brame composa autrefois avant l’époque d’Alexandre sur l’ancien Veidam, qui était lui-même bien moins ancien que le livre du Shasta.

Respectons, vous dis-je, tous ces anciens Indiens. Ils inventèrent le jeu des échecs, et les Grecs allaient apprendre chez eux la géométrie.

Cet Ézour-Veidam fut en dernier lieu traduit par un brame, correspondant de la malheureuse compagnie française des Indes. Il me fut apporté au mont Krapack, où j’observe les neiges depuis longtemps ; et je l’envoyai à la grande Bibliothèque royale de Paris, où il est mieux placé que chez moi.

Ceux qui voudront le consulter verront qu’après plusieurs

  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1771. (B.)