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ÉZÉCHIEL.

Les censeurs de nos jours sont encore plus étonnés du chapitre xvi d’Ézéchiel : voici comme le prophète s’y prend pour faire connaître les crimes de Jérusalem. Il introduit le Seigneur parlant à une fille, et le Seigneur dit à la fille : « Lorsque vous naquîtes, on ne vous avait point encore coupé le boyau du nombril, on ne vous avait point salée, vous étiez toute nue, j’eus pitié de vous ; vous êtes devenue grande, votre sein s’est formé, votre poil a paru ; j’ai passé, je vous ai vue, j’ai connu que c’était le temps des amants : j’ai couvert votre ignominie ; je me suis étendu sur vous avec mon manteau ; vous avez été à moi ; je vous ai lavée, parfumée, bien habillée, bien chaussée ; je vous ai donné une écharpe de coton, des bracelets, un collier ; je vous ai mis une pierrerie au nez, des pendants d’oreilles, et une couronne sur la tête, etc.

« Alors ayant confiance à votre beauté, vous avez forniqué pour votre compte avec tous les passants... Et vous avez bâti un mauvais lieu..., et vous vous êtes prostituée jusque dans les places publiques, et vous avez ouvert vos jambes à tous les passants..., et vous avez couché avec des Égyptiens..., et enfin vous avez payé des amants, et vous leur avez fait des présents afin qu’ils couchassent avec vous...; et en payant, au lieu d’être payée, vous avez fait le contraire des autres filles... Le proverbe est : telle mère, telle fille ; et c’est ce qu’on dit de vous, etc. »

On s’élève encore davantage contre le chapitre xxiii. Une mère avait deux filles qui ont perdu leur virginité de bonne heure : la plus grande s’appelait Oolla, et la petite Ooliba... « Oolla a été folle des jeunes seigneurs, magistrats, cavaliers ; elle a couché avec des Égyptiens dès sa première jeunesse... Ooliba, sa sœur, a bien plus forniqué encore avec des officiers, des magistrats et des cavaliers bien faits ; elle a découvert sa turpitude ; elle a multiplié ses fornications ; elle a recherché avec emportement les embrassements de ceux qui ont le membre comme un âne, et qui répandent leur semence comme des chevaux... »

Ces descriptions, qui effarouchent tant d’esprits faibles, ne signifient pourtant que les iniquités de Jérusalem et de Samarie ; les expressions qui nous paraissent libres ne l’étaient point alors. La même naïveté se montre sans crainte dans plus d’un endroit de l’Écriture. Il y est souvent parlé d’ouvrir la vulve. Les termes dont elle se sert pour exprimer l’accouplement de Booz avec Ruth, de Juda avec sa belle-fille, ne sont point déshonnêtes en hébreu, et le seraient en notre langue.

On ne se couvre point d’un voile quand on n’a pas honte de