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LOIS.

massacrer tout, hommes, femmes, vieillards, enfants, animaux, pour la plus grande gloire de Dieu.

« D’immoler au Seigneur tout ce qu’on aura voué en anathème au Seigneur, et de le tuer sans pouvoir le racheter.

« De brûler les veuves qui, n’ayant pu être remariées à leurs beaux-frères, s’en seraient consolées avec quelque autre Juif sur le grand chemin ou ailleurs, etc., etc.[1] »

Un jésuite, autrefois missionnaire chez les Cannibales, dans le temps que le Canada appartenait encore au roi de France, me contait qu’un jour, comme il expliquait ces lois juives à ses néophytes, un petit Français imprudent, qui assistait au catéchisme, s’avisa de s’écrier : « Mais voilà des lois de Cannibales ! » Un des citoyens lui répondit : « Petit drôle, apprends que nous sommes d’honnêtes gens : nous n’avons jamais eu de pareilles lois. Et si nous n’étions pas gens de bien, nous te traiterions en citoyen de Chanaan, pour t’apprendre à parler. »

Il appert, par la comparaison du premier code chinois et du code hébraïque, que les lois suivent assez les mœurs des gens qui les ont faites. Si les vautours et les pigeons avaient des lois, elles seraient sans doute différentes.

SECTION III[2].

Les moutons vivent en société fort doucement ; leur caractère passe pour très-débonnaire, parce que nous ne voyons pas la prodigieuse quantité d’animaux qu’ils dévorent. Il est à croire même qu’ils les mangent innocemment et sans le savoir, comme lorsque nous mangeons d’un fromage de Sassenage. La république des moutons est l’image fidèle de l’âge d’or.

Un poulailler est visiblement l’état monarchique le plus parfait. Il n’y a point de roi comparable à un coq. S’il marche fièrement au milieu de son peuple, ce n’est point par vanité. Si l’ennemi approche, il ne donne point d’ordre à ses sujets d’aller se faire tuer pour lui en vertu de sa certaine science et pleine

  1. C’est ce qui arriva à Thamar, qui, étant voilée, coucha sur le grand chemin avec son beau-père Juda, dont elle fut méconnue. Elle devint grosse. Juda la condamna à être brûlée. L’arrêt était d’autant plus cruel que, s’il eût été exécuté, notre Sauveur, qui descend en droite ligne de ce Juda et de cette Thamar, ne serait pas né, à moins que tous les événements de l’univers n’eussent été mis dans un autre ordre. (Note de Voltaire.)
  2. Formait la première section de l’article, dans l’édition de 1767 du Dictionnaire philosophique. (B.)