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LIBERTÉ D’IMPRIMER.
Médroso.

Nous sommes aussi fort tranquilles à Lisbonne, où personne ne peut dire le sien.

Boldmind.

Vous êtes tranquilles, mais tous n’êtes pas heureux ; c’est la tranquillité des galériens, qui rament en cadence et en silence.

Médroso.

Vous croyez donc que mon âme est aux galères ?

Boldmind.

Oui ; et je voudrais la délivrer.

Médroso.

Mais si je me trouve bien aux galères ?

Boldmind.

En ce cas vous méritez d’y être.



LIBERTÉ D’IMPRIMER[1].


Mais quel mal peut faire à la Russie la prédiction de Jean-Jacques[2] ? Aucun ; il lui sera permis de l’expliquer dans un sens mystique, typique, allégorique, selon l’usage. Les nations qui détruiront les Russes, ce seront les belles-lettres, les mathématiques, l’esprit de société, la politesse, qui dégradent l’homme et pervertissent sa nature.

On a imprimé cinq à six mille brochures en Hollande contre Louis XIV ; aucune n’a contribué à lui faire perdre les batailles de Blenheim, de Turin, et de Ramillies.

En général, il est de droit naturel de se servir de sa plume comme de sa langue, à ses périls, risques et fortune. Je connais beaucoup de livres qui ont ennuyé, je n’en connais point qui aient fait de mal réel. Des théologiens, ou de prétendus politiques, crient: « La religion est détruite, le gouvernement est perdu, si

  1. Nouveaux Mélanges, troisième partie, 1765 ; cet article s’y trouvait à la suite du morceau intitulé de Pierre le Grand et de J.-J. Rousseau. (B.) — Voyez ci-après Pierre le Grand.
  2. Rousseau a prédit la destruction prochaine de l’empire de Russie : sa grande raison est que Pierre Ier a cherché à répandre les arts et les sciences dans son empire. Mais, malheureusement pour le prophète, les arts et les sciences n’existent que dans la nouvelle capitale, et n’y sont presque cultivés que par des mains étrangères : cependant ces lumières, quoique bornées à la capitale, ont contribué à augmenter la puissance de la Russie, et jamais elle n’a été moins exposée aux événements qui peuvent détruire un grand empire que depuis le temps où Rousseau a prophétisé. (K.)