Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin
Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain.
Trois choses sont absolument nécessaires : régularité, clarté, élégance. Avec les deux premières on parvient à ne pas écrire mal ; avec la troisième on écrit bien.
Ces trois mérites, qui furent absolument ignorés dans l’université de Paris depuis sa fondation, ont été presque toujours réunis dans les écrits de Rollin, ancien professeur. Avant lui on ne savait ni écrire ni penser en français ; il a rendu un service éternel à la jeunesse.
Ce qui peut paraître étonnant, c’est que les Français n’ont point d’auteur plus châtié en prose que Racine et Boileau le sont en vers : car il est ridicule de regarder comme des fautes quelques nobles hardiesses de poésie, qui sont de vraies beautés, et qui enrichissent la langue au lieu de la défigurer.
Corneille pécha trop souvent contre la langue, quoiqu’il écrivît dans le temps même qu’elle se perfectionnait. Son malheur était d’avoir été élevé en province, et d’y composer même ses meilleures pièces. On trouve trop souvent chez lui des impropriétés, des solécismes, des barbarismes et de l’obscurité ; mais aussi dans ses beaux morceaux il est souvent aussi pur que sublime.
Celui qui commenta Corneille avec tant d’impartialité, celui qui dans son Commentaire parla avec tant de chaleur des beaux morceaux de ses tragédies, et qui n’entreprit le commentaire que pour mieux parvenir à l’établissement de la petite-fille de ce grand homme, a remarqué qu’il n’y a pas une seule faute de langage[2] dans la grande scène de Cinna et d’Émilie, où Cinna rend compte de son entrevue avec les conjurés ; et à peine en trouve-t-il une ou deux dans cette autre scène immortelle où Auguste délibère s’il se démettra de l’empire.
Par une fatalité singulière, les scènes les plus froides de ses autres pièces sont celles où l’on trouve le plus de vices de langage. Presque toutes ces scènes n’étant point animées par des senti-