Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome19.djvu/562

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
552
LANGUES.

verres, et marmottaient des mots confus, ou poussaient des cris avec des contorsions extravagantes.

Dans le second registre de l’église d’Autun du secrétaire Rotarii, qui finit en 1416, il est dit, sans spécifier le jour, qu’à la fête des fous on conduisait un âne auquel on mettait une chape sur le dos, et l’on chantait : « Hé, sir âne, hé, hé ! »

Ducange rapporte une sentence de l’officialité de Viviers contre un certain Guillaume, qui, ayant été élu évoque fou en 1406, avait refusé de faire les solennités et les frais accoutumés en pareille occasion.

Enfin les registres de Saint-Étienne de Dijon, en 1521, font foi, sans dire le jour, que les vicaires couraient par les rues avec fifres, tambours et autres instruments, et portaient des lanternes devant le préchantre des fous, à qui l’honneur de la fête appartenait principalement. Mais le parlement de cette ville, par un arrêt du 19 janvier 1552, défendit la célébration de cette fête, déjà condamnée par quelques conciles, et surtout par une lettre circulaire du 12 mars 1444, envoyée à tout le clergé du royaume par l’Université de Paris. Cette lettre, qui se trouve à la suite des ouvrages de Pierre de Blois, porte que cette fête paraissait aux yeux du clergé si bien pensée et si chrétienne que l’on regardait comme excommuniés ceux qui voulaient la supprimer ; et le docteur de Sorbonne Jean Deslyons, dans son Discours contre le paganisme du roi-boit, nous apprend qu’un docteur en théologie soutint publiquement à Auxerre, sur la fin du xve siècle, que « la fête des fous n’était pas moins approuvée de Dieu que la fête de la conception immaculée de la Vierge, outre qu’elle était d’une tout autre ancienneté dans l’Église ».



L.


LANGUES[1].


SECTION PREMIÈRE.


On dit que les Indiens commencent presque tous leurs livres par ces mots : Béni soit l’inventeur de l’écriture. On pourrait aussi commencer ses discours par bénir l’inventeur d’un langage.

  1. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, septième partie, 1771, l’article ne contenait que les deux premières sections. (B.)