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JULIEN.


SEPTIÈME LETTRE.
Sur la charité que le peuple de Dieu et les chrétiens doivent avoir les uns pour les autres.

Ma tendresse pour vous n’a plus qu’un mot à vous dire. Nous vous avons pendus entre deux chiens pendant des siècles ; nous vous avons arraché les dents pour vous forcer à nous donner votre argent ; nous vous avons chassés plusieurs fois par avarice, et nous vous avons rappelés par avarice et par bêtise ; nous vous faisons payer encore dans plus d’une ville la liberté de respirer l’air ; nous vous avons sacrifiés à Dieu dans plus d’un royaume ; nous vous avons brûlés en holocaustes : car je ne veux pas, à votre exemple, dissimuler que nous ayons offert à Dieu des sacrifices de sang humain. Toute la différence est que nos prêtres vous ont fait brûler par des laïques, se contentant d’appliquer votre argent à leur profit, et que vos prêtres ont toujours immolé les victimes humaines de leurs mains sacrées. Vous fûtes des monstres de cruauté et de fanatisme en Palestine, nous l’avons été dans notre Europe : oublions tout cela, mes amis.

Voulez-vous vivre paisibles, imitez les Banians et les Guèbres : ils sont beaucoup plus anciens que vous, ils sont dispersés comme vous, ils sont sans patrie comme vous. Les Guèbres surtout, qui sont les anciens Persans, sont esclaves comme vous après avoir été longtemps vos maîtres. Ils ne disent mot : prenez ce parti. Vous êtes des animaux calculants ; tâchez d’être des animaux pensants.


JULIEN.
SECTION PREMIÈRE[1].


SECTION II[2].


Qu’on suppose un moment que Julien a quitté les faux dieux pour la religion chrétienne ; qu’alors on examine en lui l’homme,

  1. Dans l’édition de 1767 (fin 1766) du Dictionnaire philosophique, l’article Julien se composait du morceau que Voltaire reproduisit avec additions et sous le titre de Portrait de l’empereur Julien, en tête de son édition du Discours sur l’empereur Julien (voyez les Mélanges, année 1769). C’est ce morceau qui, dans l’édition de Kehl et quelques autres, faisait ici la première section. (B.)
  2. Ce qui compose cette seconde section a paru dans la Suite des Mélanges (4e partie), 1756. (B.)