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JUIFS.

nibales[1] : « Vous immolez aux dieux vos enfants dans des torrents, sous des pierres. »

Vous m’allez dire que ce n’était pas au Seigneur Adonaï que les femmes sacrifiaient les fruits de leurs entrailles, que c’était à quelque autre dieu. Il importe bien vraiment que vous ayez appelé Melkom, ou Sadaï, ou Baal, ou Adonaï, celui à qui vous immoliez vos enfants ; ce qui importe, c’est que vous ayez été des parricides. C’était, dites-vous, à des idoles étrangères que vos pères faisaient ces offrandes : eh bien, je vous plains encore davantage de descendre d’aïeux parricides et d’idolâtres. Je gémirai avec vous de ce que vos pères furent toujours idolâtres pendant quarante ans dans le désert de Sinaï, comme le disent expressément Jérémie, Amos, et saint Étienne.

Vous étiez idolâtres du temps des juges, et le petit-fils de Moïse était prêtre de la tribu de Dan, idolâtre tout entière comme nous l’avons vu[2] : car il faut insister, inculquer ; sans quoi tout s’oublie.

Vous étiez idolâtres sous vos rois ; vous n’avez été fidèles à un seul Dieu qu’après qu’Esdras eut restauré vos livres. C’est là que votre véritable culte non interrompu commence. Et, par une providence incompréhensible de l’Être suprême, vous avez été les plus malheureux de tous les hommes depuis que vous avez été les plus fidèles, sous les rois de Syrie, sous les rois d’Égypte, sous Hérode l’Iduméen, sous les Romains, sous les Persans, sous les Arabes, sous les Turcs, jusqu’au temps où vous me faites l’honneur de m’écrire, et où j’ai celui de vous répondre.


SIXIÈME LETTRE.
Sur la beauté de la terre promise.

Ne me reprochez pas de ne vous point aimer : je vous aime tant que je voudrais que vous fussiez tous dans Hershalaïm au lieu des Turcs qui dévastent tout votre pays, et qui ont bâti cependant une assez belle mosquée sur les fondements de votre temple, et sur la plate-forme construite par votre Hérode.

Vous cultiveriez ce malheureux désert comme vous l’avez cultivé autrefois ; vous porteriez encore de la terre sur la croupe de vos montagnes arides ; vous n’auriez pas beaucoup de blé, mais

  1. Isaïe, chapitre lvii, v. 5. (Note de Voltaire.)
  2. Lettre iv, page 532.