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JOSEPH.

ceux de Sanchoniathon, ceux du premier Zerdust, le Shasta, le Veidam des Indiens que nous avons encore, les cinq Kings des Chinois, enfin le livre de Job, sont d’une antiquité beaucoup plus reculée qu’aucun livre juif. Il est démontré que ce petit peuple ne put avoir des annales que lorsqu’il eut un gouvernement stable ; qu’il n’eut ce gouvernement que sous ses rois ; que son jargon ne se forma qu’avec le temps, d’un mélange de phénicien et d’arabe. Il y a des preuves incontestables que les Phéniciens cultivaient les lettres très-longtemps avant eux. Leur profession fut le brigandage et le courtage ; ils ne furent écrivains que par hasard. On a perdu les livres des Égyptiens et des Phéniciens ; les Chinois, les Brames, les Guèbres, les Juifs, ont conservé les leurs. Tous ces monuments sont curieux ; mais ce ne sont que des monuments de l’imagination humaine, dans lesquels on ne peut apprendre une seule vérité, soit physique, soit historique. Il n’y a point aujourd’hui de petit livre de physique qui ne soit plus utile que tous les livres de l’antiquité.

Le bon Calmet ou dom Calmet (car les bénédictins veulent qu’on leur donne du dom), ce naïf compilateur de tant de rêveries et d’imbécillités, cet homme que sa simplicité a rendu si utile à quiconque veut rire des sottises antiques, rapporte fidèlement les opinions de ceux qui ont voulu deviner la maladie dont Job fut attaqué, comme si Job eût été un personnage réel. Il ne balance point à dire que Job avait la vérole, et il entasse passage sur passage, à son ordinaire, pour prouver ce qui n’est pas. Il n’avait pas lu l’histoire de la vérole par Astruc : car Astruc n’étant ni un père de l’Église ni un docteur de Salamanque, mais un médecin très-savant, le bonhomme Calmet ne savait pas seulement qu’il existât. Les moines compilateurs sont de pauvres gens !

(Par un malade aux eaux d’Aix-la-Chapelle.)



JOSEPH[1].


L’histoire de Joseph, à ne la considérer que comme un objet de curiosité et de littérature, est un des plus précieux monuments de l’antiquité qui soient parvenus jusqu’à nous. Elle paraît être le modèle de tous les écrivains orientaux ; elle est plus attendrissante que l’Odyssée d’Homère, car un héros qui pardonne est plus touchant que celui qui se venge.

  1. Dictionnaire philosophique, 1764. (B.)