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INQUISITION.

et plus édifiant. Tous les hommes ressemblent à Louis de Paramo quand ils sont fanatiques.

Ce Paramo était un homme simple, très-exact dans les dates, n’omettant aucun fait intéressant, et supputant avec scrupule le nombre des victimes humaines que le Saint-Office a immolées dans tous les pays.

Il raconte avec la plus grande naïveté l’établissement de l’Inquisition en Portugal, et il est parfaitement d’accord avec quatre autres historiens qui ont tous parlé comme lui. Voici ce qu’ils rapportent unanimement.

ÉTABLISSEMENT CURIEUX DE L’INQUISITION EN PORTUGAL.

Il y avait longtemps que le pape Boniface IX, au commencement du xve siècle, avait délégué des frères prêcheurs qui allaient en Portugal, de ville en ville, brûler les hérétiques, les musulmans, et les juifs ; mais ils étaient ambulants, et les rois mêmes se plaignirent quelquefois de leurs vexations. Le pape Clément VII voulut leur donner un établissement fixe en Portugal, comme ils en avaient en Aragon et en Castille. Il y eut des difficultés entre la cour de Rome et celle de Lisbonne ; les esprits s’aigrirent, l’Inquisition en souffrait, et n’était point établie parfaitement.

[1]En 1539 il parut à Lisbonne un légat du pape, qui était venu, disait-il, pour établir la sainte Inquisition sur des fondements inébranlables. Il apporte au roi Jean III des lettres du pape Paul III. Il avait d’autres lettres de Rome pour les principaux officiers de la cour ; ses patentes de légat étaient dûment scellées et signées ; il montra les pouvoirs les plus amples de créer un grand-inquisiteur et tous les juges du Saint-Office. C’était un fourbe nommé Saavedra, qui savait contrefaire toutes les écritures, fabriquer et appliquer de faux sceaux et de faux cachets. Il avait appris ce métier à Rome, et s’y était perfectionné à Séville, dont il arrivait avec deux autres fripons. Son train était magnifique ; il était composé de plus de cent vingt domestiques. Pour subvenir à cette énorme dépense, lui et ses confidents empruntèrent à Séville des sommes immenses au nom de la chambre apostolique de Rome ; tout était concerté avec l’artifice le plus éblouissant.

Le roi de Portugal fut étonné d’abord que le pape lui envoyât un légat a latere sans l’en avoir prévenu. Le légat répondit fièrement que dans une chose aussi pressante que l’établissement fixe

  1. Fait déjà raconté ci-dessus, pages 479-80.