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INQUISITION.

l’audace impie des novateurs et leur horrible méchanceté. Le travail que je vous présente ici sur le Directoire des inquisiteurs en sera la preuve. Cet ouvrage de Nicolas Eymeric, respectable par son antiquité, contient un abrégé des principaux dogmes de la foi, et une instruction très-suivie et très-méthodique, aux tribunaux de la sainte Inquisition, sur les moyens qu’ils doivent employer pour contenir et extirper les hérétiques. C’est pourquoi j’ai cru devoir en faire un hommage à Votre Sainteté, comme au chef de la république chrétienne. »

Il déclare ailleurs qu’il le fait réimprimer pour l’instruction des inquisiteurs ; que cet ouvrage est aussi admirable que respectable, et qu’on y enseigne avec autant de piété que d’érudition les moyens de contenir et d’extirper les hérétiques. Il avoue cependant qu’il y a beaucoup d’autres pratiques utiles et sages pour lesquelles il renvoie à l’usage, qui instruira mieux que les leçons, d’autant plus qu’il y a en ce genre certaines choses qu’il est important de ne point divulguer, et qui sont assez connues des inquisiteurs. Il cite çà et là une infinité d’écrivains qui tous ont suivi la doctrine du Directoire ; il se plaint même que plusieurs en ont profité sans faire honneur à Eymeric des belles choses qu’ils lui dérobaient.

Mettons-nous à l’abri d’un pareil reproche en indiquant exactement ce que nous emprunterons de l’auteur et de l’éditeur.

Eymeric dit, page 58 : « La commisération pour les enfants du coupable qu’on réduit à la mendicité ne doit point adoucir cette sévérité, puisque, par les lois divines et humaines, les enfants sont punis pour les fautes de leurs pères. »

Page 123 : « Si une accusation intentée était dépourvue de toute apparence de vérité, il ne faut pas pour cela que l’inquisiteur l’efface de son livre, parce que ce qu’on ne découvre pas dans un temps se découvre dans un autre. »

Page 291 : « Il faut que l’inquisiteur oppose des ruses à celles des hérétiques, afin de river leur clou par un autre, et de pouvoir leur dire ensuite avec l’Apôtre[1] : Comme j’étais fin, je vous ai pris par finesse. »

Page 296 : « On pourra lire le procès-verbal à l’accusé en supprimant absolument les noms des dénonciateurs ; et alors c’est à l’accusé à conjecturer qui sont ceux qui ont formé contre lui telles et telles accusations, à les récuser, ou à infirmer leurs témoignages : c’est la méthode que l’on observe communément. Il ne

  1. II. Corinth,, chapitre xii, v. 16. (Note de Voltaire.)