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INITIATION.

aillent déranger les membres du fœtus ? » Je n’en sais rien ; mais je l’ai vu. Philosophes nouveaux, vous cherchez en vain comment un enfant se forme, et vous voulez que je sache comment il se déforme[1].



INITIATION[2].
ANCIENS MYSTÈRES.

L’origine des anciens mystères ne serait-elle pas dans cette même faiblesse qui fait parmi nous les confréries, et qui établissait des congrégations sous la direction des jésuites ? N’est-ce pas ce besoin d’association qui forma tant d’assemblées secrètes d’artisans, dont il ne nous reste presque plus que celle des francs-maçons ? Il n’y avait pas jusqu’aux gueux qui n’eussent leurs confréries, leurs mystères, leur jargon particulier, dont j’ai vu un petit dictionnaire imprimé au xvie siècle.

Cette inclination naturelle de s’associer, de se cantonner, de se distinguer des autres, de se rassurer contre eux, produisit probablement toutes ces bandes particulières, toutes ces initiations mystérieuses qui firent ensuite tant de bruit, et qui tombèrent enfin dans l’oubli, où tout tombe avec le temps.

Que les dieux Cabires, les hiérophantes de Samothrace, Isis, Orphée, Cérès-Éleusine, me le pardonnent ; je soupçonne que leurs secrets sacrés ne méritaient pas, au fond, plus de curiosité que l’intérieur des couvents de carmes et de capucins.

Ces mystères étant sacrés, les participants le furent bientôt ; et tant que le nombre fut petit, il fut respecté, jusqu’à ce qu’enfin s’étant trop accru, il n’eut pas plus de considération que les barons allemands quand le monde s’est vu rempli de barons.

On payait son initiation comme tout récipiendaire paye sa bienvenue ; mais il n’était pas permis de parler pour son argent. Dans tous les temps, ce fut un grand crime de révéler le secret de ces simagrées religieuses. Ce secret sans doute ne méritait pas d’être connu, puisque l’assemblée n’était pas une société de philosophes, mais d’ignorants dirigés par un hiérophante. On faisait serment de se taire ; et tout serment fut toujours un lien sacré.

  1. Il faut appliquer ici la règle que M. de Voltaire a donnée dans l’article précédent. Mais il tombe ici dans une faute très-commune aux meilleurs esprits : c’est d’être plus frappé du fait positif qu’on a vu, ou qu’on a cru voir, que de mille faits négatifs. (K.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, septième partie, 1771. (B.)