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INFLUENCE.

de tout ce que je viens de proposer. L’abbé de Saint-Pierre disait qu’il ne faut jamais prétendre avoir raison, mais dire : « Je suis de cette opinion quant à présent. »

INFLUENCE DES PASSIONS DES MÈRES SUR LEUR FŒTUS.

Je crois, quant à présent, que les affections violentes des femmes enceintes font quelquefois un prodigieux effet sur l’embryon qu’elles portent dans leur matrice, et je crois que je le croirai toujours ; ma raison est que je l’ai vu. Si je n’avais pour garant de mon opinion que le témoignage des historiens qui rapportent l’exemple de Marie Stuart et de son fils Jacques Ier, je suspendrais mon jugement, parce qu’il y a deux cents ans entre cette aventure et moi, ce qui affaiblit ma croyance ; parce que je puis attribuer l’impression faite sur le cerveau de Jacques à d’autres causes qu’à l’imagination de Marie. Des assassins royaux, à la tête desquels est son mari, entrent, l’épée à la main, dans le cabinet où elle soupe avec son amant, et le tuent à ses yeux : la révolution subite qui s’opère dans ses entrailles passe jusqu’à son fruit, et Jacques Ier, avec beaucoup de courage, sentit toute sa vie un frémissement involontaire quand on tirait une épée du fourreau. Il se pourrait, après tout, que ce petit mouvement dans ses organes eût une autre cause.

Mais on amène en ma présence, dans la cour d’une femme grosse, un bateleur qui fait danser un petit chien coiffé d’une espèce de toque rouge : la femme s’écrie qu’on fasse retirer cette figure ; elle nous dit que son enfant en sera marqué ; elle pleure, rien ne la rassure. » C’est la seconde fois, dit-elle, que ce malheur m’arrive. Mon premier enfant porte l’empreinte d’une terreur panique que j’ai éprouvée ; je suis faible, je sens qu’il m’arrivera un malheur. » Elle n’eut que trop raison. Elle accoucha d’un enfant qui ressemblait à cette figure dont elle avait été tant épouvantée. La toque surtout était très-aisée à reconnaître ; ce petit animal vécut deux jours.

Du temps de Malebranche, personne ne doutait de l’aventure qu’il rapporte de cette femme qui, ayant vu rouer un malfaiteur, mit au jour un fils dont les membres étaient brisés aux mêmes endroits où le patient avait été frappé. Tous les physiciens convenaient alors que l’imagination de cette mère avait eu sur son fœtus une influence funeste.

On a cru depuis être plus raffiné ; on a nié cette influence. On a dit : « Comment voulez-vous que les affections d’une mère