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IMPÔT.

cette matière, qui paraissent faits pour servir d’exemple aux autres États de l’Europe.

SECTION IV[1].

Non-seulement les gens d’Église se prétendent exempts d’impôts ; ils ont encore trouvé le moyen, dans plusieurs provinces, de mettre des taxes sur le peuple, et de se les faire payer comme un droit légitime.

Dans quelques pays, les moines s’y étant emparés des dîmes, au préjudice des curés, les paysans ont été obligés de se taxer eux-mêmes pour fournir à la subsistance de leurs pasteurs ; et ainsi, dans plusieurs villages, surtout en Franche-Comté, outre la dîme que les paroissiens payent à des moines ou à des chapitres, ils payent encore par feu trois ou quatre mesures de blé à leurs curés.

On appelle cette taxe droit de moisson dans quelques provinces, et boisselage dans d’autres.

Il est juste sans doute que les curés soient bien payés ; mais il vaudrait beaucoup mieux leur rendre une partie de la dîme que les moines leur ont enlevée, que de surcharger de pauvres paysans.

Depuis que le roi de France a fixé les portions congrues par son édit du mois de mai 1768, et qu’il a chargé les décimateurs de les payer, il semble que les paysans ne devraient plus être tenus de payer une seconde dîme à leurs curés : taxe à laquelle ils ne s’étaient obligés que volontairement, et dans le temps où le crédit et la violence des moines avaient ôté aux pasteurs tous les moyens de subsister.

Le roi a aboli cette seconde dîme dans le Poitou par des lettres patentes du mois de juillet 1769, enregistrées au parlement de Paris le 11 du même mois.

Il serait bien digne de la justice et de la bienfaisance de Sa Majesté de faire une loi semblable pour les autres provinces qui se trouvent dans le même cas que celle du Poitou, comme la Franche-Comté, etc.

(Par M. Christin, avocat de Besançon[2].)
  1. Voyez la note, page 439.
  2. Christin (Charles-Gabriel-Frédéric), que l’on dit né à Saint-Claude, en 1744, a péri dans l’incendie de cette ville, en juin 1799. La publication de mémoires en faveur des mainmortables de Saint-Claude ne pouvait manquer d’être agréable à Voltaire qui, dès 1705, était en correspondance avec lui. (B.)