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IMPÔT.

sures, est en vie. Oui ; mais si elle ne les avait pas reçues, elle serait en meilleure sauté. Il en est ainsi de plusieurs autres États.

SECTION III[1].

Il est juste que ceux qui jouissent des avantages de l’État en supportent les charges. Les ecclésiastiques et les moines, qui possèdent de grands biens, devraient par cette raison contribuer aux impôts en tout pays comme les autres citoyens.

Dans des temps que nous appelons barbares, les grands bénéfices et les abbayes ont été taxés en France au tiers de leurs revenus[2].

Par une ordonnance de l’an 1188, Philippe-Auguste imposa le dixième des revenus de tous les bénéfices.

Philippe le Bel fit payer le cinquième, ensuite le cinquantième, et enfin le vingtième de tous les biens du clergé.

Le roi Jean, par une ordonnance du 12 mars 1355, taxa au dixième des revenus de leurs bénéfices et de leurs patrimoines les évêques, les abbés, les chapitres, et généralement tous les ecclésiastiques[3].

Le même prince confirma cette taxe par deux autres ordonnances, l’une du 3 mars, l’autre du 28 décembre 1358[4].

Dans les lettres patentes de Charles V, du 22 juin 1372, il est statué que les gens d’Église payeront les tailles et les autres impositions réelles et personnelles[5].

Ces lettres patentes furent renouvelées par Charles VI en 1390.

Comment ces lois ont-elles été abolies, tandis que l’on a conservé tant de coutumes monstrueuses et d’ordonnances sanguinaires ?

Le clergé paye à la vérité une taxe sous le nom de don gratuit ; et, comme l’on sait, c’est principalement la partie la plus utile et la plus pauvre de l’Église, les curés, qui payent cette taxe. Mais pourquoi cette différence et cette inégalité de contributions entre les citoyens d’un même état ? Pourquoi ceux qui jouissent des plus grandes prérogatives, et qui sont quelquefois inutiles au bien public, payent-ils moins que le laboureur, qui est si nécessaire ?

La république de Venise vient de donner des règlements sur

  1. Voyez la note, page 439.
  2. Aimoin, livre V, chapitre liv. Le Bret, plaid. ii. (Note de Voltaire.)
  3. Ord. du Louvre, tome IV. (Id.)
  4. Ibid. (Id.)
  5. Ibid, tome V. (Id.)