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IGNORANCE.

qui aurait détruit toute régularité : c’est ignorer absolument la physique.

Il ne devait pas dire[1] : « Le déluge universel est raconté par Moïse avec le consentement de toutes les nations ; »

1° Parce que le Pentateuque fut longtemps ignoré, non-seulement des nations, mais des Juifs eux-mêmes ;

2° Parce qu’on ne trouva qu’un exemplaire de la loi au fond d’un vieux coffre, du temps du roi Josias ;

3° Parce que ce livre fut perdu pendant la captivité ;

4° Parce qu’il fut restauré par Esdras ;

5° Parce qu’il fut toujours inconnu à toute autre nation jusqu’au temps de la traduction des Septante ;

6° Parce que, même depuis la traduction attribuée aux Septante, nous n’avons pas un seul auteur parmi les Gentils qui cite un seul endroit de ce livre, jusqu’à Longin, qui vivait sous l’empereur Aurélien ;

7° Parce que nulle autre nation n’a jamais admis un déluge universel jusqu’aux Métamorphoses d’Ovide, et qu’encore, dans Ovide, il ne s’étend qu’à la Méditerranée ;

8° Parce que saint Augustin avoue expressément que le déluge universel fut ignoré de toute l’antiquité ;

9° Parce que le premier déluge dont il est question chez les Gentils est celui dont parle Bérose, et qu’il fixe à quatre mille quatre cents ans environ avant notre ère vulgaire ; ce déluge ne s’étendit que vers le Pont-Euxin ;

10° Parce qu’enfin il ne nous est resté aucun monument d’un déluge universel chez aucune nation du monde.

Il faut ajouter à toutes ces raisons que le critique n’a pas seulement compris l’état de la question. Il s’agit uniquement de savoir si nous avons des preuves physiques que la mer ait abandonné successivement plusieurs terrains ; et sur cela M. l’abbé François dit des injures à des hommes qu’il ne peut ni connaître ni entendre. Il eût mieux valu se taire et ne pas grossir la foule des mauvais livres.

Deuxième ignorance.

Le même critique, pour appuyer de vieilles idées assez universellement méprisées, mais qui n’ont pas le plus léger rapport à Moïse, s’avise de dire[2] que « Bérose est parfaitement

  1. Tome Ier, page 2, de l’ouvrage cité dans la note précédente. (B.)
  2. Page 6. (Note de Voltaire.)