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IDOLE, IDOLÂTRE, IDOLÂTRIE.

et des têtes d’animaux. C’est ce qui a donné lieu à l’erreur de Plutarque, de Tacite, d’Appien et de tant d’autres, de reprocher aux Juifs d’adorer une tête d’âne. Dieu, malgré sa défense de peindre et de sculpter aucune figure, a donc daigné se proportionner à la faiblesse humaine, qui demandait qu’on parlât aux sens par des images.

Isaïe, dans le chap. vi, voit le Seigneur assis sur un trône, et le bas de sa robe qui remplit le temple. Le Seigneur étend sa main, et touche la bouche de Jérémie, au chap. Ier de ce prophète. Ézéchiel, au chap, ier, voit un trône de saphir, et Dieu lui paraît comme un homme assis sur ce trône. Ces images n’altèrent point la pureté de la religion juive, qui jamais n’employa les tableaux, les statues, les idoles, pour représenter Dieu aux yeux du peuple.

Les lettrés chinois, les Parsis, les anciens Égyptiens, n’eurent point d’idoles ; mais bientôt Isis et Osiris furent figurés ; bientôt Bel, à Babylone, fut un gros colosse ; Brama fut un monstre bizarre dans la presqu’île de l’Inde. Les Grecs surtout multiplièrent les noms des dieux, les statues et les temples, mais en attribuant toujours la suprême puissance à leur Zeus, nommé par les Latins Jupiter, maître des dieux et des hommes. Les Romains imitèrent les Grecs. Ces peuples placèrent toujours tous les dieux dans le ciel, sans savoir ce qu’ils entendaient par le ciel[1].

Les Romains eurent leurs douze grands dieux, six mâles et six femelles, qu’ils nommèrent Dii majorum gentium : Jupiter, Neptune, Apollon, Vulcain, Mars, Mercure, Junon, Vesta, Minerve, Cérès, Vénus, Diane. Pluton fut alors oublié ; Vesta prit sa place.

Ensuite venaient les dieux minorum gentium, les dieux indigètes, les héros, comme Bacchus, Hercule, Esculape ; les dieux infernaux, Pluton, Proserpine ; ceux de la mer, comme Téthys, Amphitrite, les Néréides, Glaucus ; puis les Dryades, les Naïades, les dieux des jardins, ceux des bergers : il y en avait pour chaque profession, pour chaque action de la vie, pour les enfants, pour les filles nubiles, pour les mariées, pour les accouchées ; on eut le dieu Pet. On divinisa enfin les empereurs. Ni ces empereurs, ni le dieu Pet, ni la déesse Pertunda, ni Priape, ni Rumilia, la déesse des tétons, ni Stercutius, le dieu de la garde-robe, ne furent à la vérité regardés comme les maîtres du ciel et de la terre. Les empereurs eurent quelquefois des temples, les petits


  1. Voyez l’article Ciel des anciens. (Note de Voltaire.) — Tome XVIII, pages 186 et suiv.