Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome19.djvu/396

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
386
386
HONNEUR.


HONNEUR[1].


L’auteur des Synonymes de la langue française[2] dit « qu’il est d’usage dans le discours de mettre la gloire en antithèse avec l’intérêt, et le goût avec l’honneur ».

Mais on croit que cette définition ne se trouve que dans les dernières éditions, lorsqu’il eut gâté son livre.

On lit ces vers-ci dans la satire de Boileau sur l’honneur :

Entendons discourir sur les bancs des galères
Ce forçat abhorré même de ses confrères ;
Il plaint, par un arrêt injustement donné,
L’honneur en sa personne à ramer condamné.

Nous ignorons s’il y a beaucoup de galériens qui se plaignent du peu d’égards qu’on a eu pour leur honneur.

Ce terme nous a paru susceptible de plusieurs acceptions différentes, ainsi que tous les mots qui expriment des idées métaphysiques et morales.

Mais je sais ce qu’on doit de bontés et d’honneur
À son sexe, à son âge, et surtout au malheur.

Honneur signifie là égard, attention.

L’amour n’est qu’un plaisir, l’honneur est un devoir,

(Le Cid, acte III, scène vi.)


signifie dans cet endroit: « c’est un devoir de venger son père ».

« Il a été reçu avec beaucoup d’honneur », cela veut dire avec des marques de respect.

« Soutenir l’honneur du corps », c’est soutenir les prééminences, les priviléges de son corps, de sa compagnie, et quelquefois ses chimères.

« Se conduire en homme d’honneur », c’est agir avec justice, franchise et générosité.

« Avoir des honneurs, être comblé d’honneurs », c’est avoir des distinctions, des marques de supériorité.

Mais l’honneur en effet qu’il faut que l’on admire,
Quel est-il, Valincour ? pourras-tu me le dire ?





  1. Questions sur l’Encyclopédie, septième partie, 1771. (B.)
  2. L’abbé Girard, article Gloire, Honneur.