Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome19.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
327
HAUTEUR.

mais ou ne peut dire forêt hautaine, tête hautaine d’un coursier. On a blamé dans Malherbe, et il paraît que c’est à tort, ces vers si connus :

Et dans ces grands tombeaux où leurs âmes hautaines
Font encore les vaines,
Ils sont mangés des vers.

(Paraphrase du psaume CXLV.)

On a prétendu que l’auteur a supposé mal à propos les âmes dans ces sépulcres ; mais on pouvait se souvenir qu’il y avait deux sortes d’âmes chez les poëtes anciens : l’une était l’entendement, et l’autre l’ombre légère, le simulacre du corps. Cette dernière restait quelquefois dans les tombeaux, ou errait autour d’eux. La théologie ancienne est toujours celle des poëtes, parce que c’est celle de l’imagination. On a cru cette petite observation nécessaire.

Hautain est toujours pris en mauvaise part. C’est l’orgueil qui s’annonce par un extérieur arrogant ; c’est le plus sûr moyen de se faire haïr, et le défaut dont on doit le plus soigneusement corriger les enfants. On peut être haut dans l’occasion avec bienséance. Un prince peut et doit rejeter avec une hauteur héroïque des propositions humiliantes, mais non pas avec des airs hautains, un ton hautain, des paroles hautaines. Les hommes pardonnent quelquefois aux femmes d’être hautaines, parce qu’ils leur passent tout ; mais les femmes ne leur pardonnent pas.

L’âme haute est l’âme grande ; la hautaine est superbe. On peut avoir le cœur haut avec beaucoup de modestie : on n’a point l’humeur hautaine sans un peu d’insolence ; l’insolent est à l’égard du hautain, ce qu’est le hautain à l’impérieux. Ce sont des nuances qui se suivent, et ces nuances sont ce qui détruit les synonymes.

On a fait cet article le plus court qu’on a pu, par les mêmes raisons qu’on peut voir au mot Habile. Le lecteur sent combien il serait aisé et ennuyeux de déclamer sur ces matières.


HAUTEUR[1].


GRAMMAIRE, MORALE.


Si hautain est pris en mal, hauteur est tantôt une bonne, tantôt une mauvaise qualité, selon la place qu’on tient, l’occasion

  1. Encyclopédie, tome VIII, 1765. (B.)