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HAUTAIN.

renard qui, interrogé par le lion sur l’odeur qu’exhale son palais, lui répond qu’il est enrhumé, est un courtisan habile[1]. Le renard qui, pour se venger de la calomnie du loup, conseille au vieux lion la peau d’un loup fraîchement écorché pour réchauffer sa majesté est plus qu’habile courtisan[2]. C’est en conséquence qu’on dit un habile fripon, un habile scélérat.

Habile, en jurisprudence, signifie reconnu capable par la loi ; et alors capable veut dire ayant droit, ou pouvant avoir droit. On est habile à succéder ; les filles sont quelquefois habiles à posséder une pairie ; elles ne sont point habiles à succéder à la couronne.

Les particules dans, à, et en, s’emploient avec ce mot. On dit habile dans un art : habile à manier le ciseau ; habile en mathématiques.

On ne s’étendra point ici sur le moral, sur le danger de vouloir être trop habile, ou de faire l’habile homme ; sur les risques que court ce qu’on appelle une habile femme, quand elle veut gouverner les affaires de sa maison sans conseil. On craint d’enfler ce dictionnaire d’inutiles déclamations. Ceux qui président à ce grand et important ouvrage doivent traiter au long les articles des arts et des sciences qui instruisent le public ; et ceux auxquels ils confient de petits articles de littérature doivent avoir le mérite d’être courts.

Habileté. Ce mot est à capacité ce qu’habile est à capable : habileté dans une science, dans un art, dans la conduite.

On exprime une qualité acquise en disant : Il a de l’habileté. On exprime une action en disant : Il a conduit cette affaire avec habileté.

Habilement a les mêmes acceptions : Il travaille, il joue, il enseigne habilement ; il a surmonté habilement cette difficulté. Ce n’est guère la peine d’en dire davantage sur ces petites choses.



HAUTAIN[3].


Hautain est le superlatif de haut et d’altier. Ce mot ne se dit que de l’espèce humaine : on peut dire en vers :

Un coursier plein de feu levant sa tête altière ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
J’aime mieux ces forêts altières ;

  1. La Fontaine, livre VII, fable vii.
  2. Idem, livre VIII, fable iii.
  3. Encyclopédie, tome VIII, 1765. (B.)