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GÉNÉALOGIE.

-Christ. Le premier ne compte[1] que vingt-sept générations depuis David par Salomon, tandis que Luc[2] en met quarante-deux, et l’en fait descendre par Nathan. Voici comment le savant Calmet résout une difficulté semblable en parlant de Melchisédech. Les Orientaux et les Grecs, féconds en fables et en inventions, lui ont forgé une généalogie dans laquelle ils nous donnent les noms de ses aïeux. Mais, ajoute le judicieux bénédictin, comme le mensonge se trahit toujours par lui-même, les uns racontent sa généalogie d’une manière, les autres d’une autre. Il y en a qui soutiennent qu’il était d’une race obscure et honteuse, et il s’en est trouvé qui l’ont voulu faire passer pour illégitime.

Tout cela s’applique naturellement à Jésus, dont Melchisédech était la figure, suivant l’apôtre[3]. En effet, l’Évangile de Nicodème[4] dit expressément que les Juifs devant Pilate reprochèrent à Jésus qu’il était né de la fornication. Sur quoi le savant Fabricius observe qu’on n’est assuré par aucun témoignage digne de foi que les Juifs aient objecté à Jésus-Christ pendant sa vie, ni même aux apôtres, cette calomnie qu’ils répandirent partout dans la suite. Cependant les Actes des apôtres[5] font foi que les Juifs d’Antioche s’opposèrent, en blasphémant, à ce que Paul leur disait de Jésus ; et Origène[6] soutient que ces paroles, rapportées dans l’Évangile de saint Jean : « Nous ne sommes point nés de fornication, nous n’avons jamais servi personne », étaient de la part des juifs un reproche indirect qu’ils faisaient à Jésus sur le défaut de sa naissance et sur son état de serviteur : car ils prétendaient, comme nous l’apprend ce Père[7], que Jésus était originaire d’un petit hameau de la Judée, et avait eu pour mère une pauvre villageoise qui ne vivait que de son travail, laquelle ayant été convaincue d’adultère avec un soldat nommé Panther, fut chassée par son fiancé, qui était charpentier de profession ; qu’après cet affront, errant misérablement de lieu en lieu, elle accoucha secrètement de Jésus, lequel, se trouvant dans la nécessité, fut contraint de s’aller louer serviteur en Égypte, où, ayant appris quelques-uns de ces secrets que les

  1. Chapitre i. (Note de Voltaire.)
  2. Chapitre iii, v. 23. (Id.)
  3. Épître aux Hébreux, chapitre vii, v. 3. (Id.)
  4. Article 2. (Note de Voltaire.)
  5. Chapitre xiii. (Id.)
  6. Sur saint Jean, chap. viii, v. 41. (Id.)
  7. Contre Celse, chapitre viii. (Id.)