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GARGANTUA.

Lorsque Philippe-Auguste conclut la paix en 1200 avec Jean, roi d’Angleterre, les principaux barons de France et ceux de Normandie en jurèrent l’observation, comme cautions, comme parties garantes. Les Français firent serment de combattre le roi de France s’il manquait à sa parole ; et les Normands, de combattre leur souverain s’il ne tenait pas la sienne.

Un connétable de Montmorency ayant traité avec un comte de la Marche, en 1227, pendant la minorité de Louis IX, jura l’observation du traité sur l’âme du roi.

L’usage de garantir les États d’un tiers était très-ancien sous un nom différent. Les Romains garantirent ainsi les possessions de plusieurs princes d’Asie et d’Afrique, en les prenant sous leur protection, en attendant qu’ils s’emparassent des terres protégées.

On doit regarder comme une garantie réciproque l’alliance ancienne de la France et de la Castille de roi à roi, de royaume à royaume, et d’homme à homme.

On ne voit guère de traité où la garantie des États d’un tiers soit expressément stipulée, avant celui que la médiation de Henri IV fit conclure entre l’Espagne et les États-Généraux en 1609. Il obtint que le roi d’Espagne Philippe III reconnût les Provinces-Unies pour libres et souveraines. Il signa et fit même signer au roi d’Espagne la garantie de cette souveraineté des sept Provinces ; et la république reconnut qu’elle lui devait sa liberté. C’est surtout dans nos derniers temps que les traités de garantie ont été plus fréquents. Malheureusement ces garanties ont quelquefois produit des ruptures et des guerres, et on a reconnu que la force est le meilleur garant qu’on puisse avoir.



GARGANTUA[1].


S’il y a jamais eu une réputation bien fondée, c’est celle de Gargantua. Cependant il s’est trouvé dans ce siècle philosophique et critique des esprits téméraires qui ont osé nier les prodiges de ce grand homme, et qui ont poussé le pyrrhonisme jusqu’à douter qu’il ait jamais existé.

Comment se peut-il faire, disent-ils, qu’il y ait eu au xvie siècle un héros dont aucun contemporain, ni saint Ignace, ni le cardinal Cajetan, ni Galilée, ni Guichardin, n’ont jamais parlé, et sur

  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)