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GARANT.

ment il a montré quelque chose de plus que de la politesse ; mais être le galant d’une dame a une signification plus forte ; cela signifie être son amant : ce mot n’est presque plus d’usage que dans les vers familiers. Un galant est non-seulement un homme à bonnes fortunes, mais ce mot porte avec soi quelque idée de hardiesse, et même d’effronterie ; c’est en ce sens que La Fontaine a dit :

Mais un galant, chercheur de pucelages.

Ainsi le même mot se prend en plusieurs sens. Il en est de même de galanterie, qui signifie tantôt coquetterie dans l’esprit, paroles flatteuses, tantôt présent de petits bijoux, tantôt intrigue avec une femme ou plusieurs : et même depuis peu il a signifié ironiquement faveurs de Vénus : ainsi, dire des galanteries, donner des galanteries, avoir des galanteries, attraper une galanterie, sont des choses toutes différentes. Presque tous les termes qui entrent fréquemment dans la conversation reçoivent ainsi beaucoup de nuances qu’il est difficile de démêler : les mots techniques ont une signification plus précise et moins arbitraire.



GARANT[1].


Garant est celui qui se rend responsable de quelque chose envers quelqu’un, et qui est obligé de l’en faire jouir. Le mot garant vient du celte et du tudesque warrant. Nous avons changé en G tous les doubles W des termes que nous avons conservés de ces anciens langages. Warrant signifie encore, chez la plupart des nations du Nord, assurance, garantie ; et c’est en ce sens qu’il veut dire en anglais édit du roi, comme signifiant promesse du roi. Lorsque, dans le moyen âge, les rois faisaient des traités, ils étaient garantis de part et d’autre par plusieurs chevaliers qui juraient de faire observer le traité, et même qui le signaient, lorsque par hasard ils savaient écrire. Quand l’empereur Frédéric-Barberousse céda tant de droits au pape Alexandre III, dans le célèbre congrès de Venise, en 1177, l’empereur mit son sceau à l’instrument que le pape et les cardinaux signèrent. Douze princes de l’empire garantirent le traité par un serment sur l’Évangile ; mais aucun d’eux ne signa. Il n’est point dit que le doge de Venise garantit cette paix, qui se fit dans son palais.

  1. Encyclopédie, tome VII, 1757. (B.)