reprend s’était servi de ce mot pratique, il aurait été fort plat. Il est beau de dire : Je me fais des vertus conformes à ma situation. Cicéron a dit : Facere de necessitate virtutem ; d’où nous est venu le proverbe faire de nécessité vertu. Racine a dit dans Britannicus :
Qui, dans l’obscurité nourrissant sa douleur,
S’est fait une vertu conforme à son malheur.
Ainsi Crébillon avait imité Racine ; il ne fallait pas blâmer dans l’un ce qu’on admire dans l’autre.
Mais il est vrai qu’il eût fallu manquer absolument de goût et de jugement pour ne pas reprendre les vers suivants, qui pèchent tous, ou contre la langue, ou contre l’élégance, ou contre le sens commun.
Mon fils, je t’aime encor tout ce qu’on peut aimer.
Tant le sort entre nous a jeté de mystère.
Les dieux ont leur justice, et le trône a ses mœurs.
Agénor inconnu ne compte point d’aïeux,
Pour me justifier d’un amour odieux.
Ma raison s’arme en vain de quelques étincelles.
Ah ! que les malheureux éprouvent de tourments !
Un captif tel que moi
Honorerait ses fers même sans qu’il fût roi.
Un guerrier généreux, que la vertu couronne,
Vaut bien un roi formé par le secours des lois :
Le premier qui le fut n’eut pour lui que sa voix.
À ce prix je deviendrai sa mère,
Mais je ne la suis pas ; je n’en ressens du moins
Les entrailles, l’amour, les remords, ni les soins.