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FINESSE.

mille cinq cents années révolues. On prétend qu’Orphée l’avait fixée à cent mille et vingt ans.

L’historien Flavius Josèphe assure qu’Adam ayant prédit que le monde périrait deux fois, l’une par l’eau et l’autre par le feu, les enfants de Seth voulurent avertir les hommes de ce désastre. Ils firent graver des observations astronomiques sur deux colonnes, l’une de briques pour résister au feu qui devait consumer le monde, et l’autre de pierre pour résister à l’eau qui devait le noyer. Mais que pouvaient penser les Romains quand un esclave juif leur parlait d’un Adam et d’un Seth inconnus à l’univers entier ? Ils riaient.

Josèphe ajoute que la colonne de pierre se voyait encore, de son temps, dans la Syrie.

On peut conclure de tout ce que nous avons dit que nous savons fort peu de choses du passé, que nous savons assez mal le présent, rien du tout de l’avenir ; et que nous devons nous en rapporter à Dieu, maître de ces trois temps, et de l’éternité.


FINESSE[1].


Des différentes significations de ce mot.


Finesse ne signifie ni au propre, ni au figuré, mince, léger, délié, d’une contexture rare, faible, ténue : ce terme exprime quelque chose de délicat et de fini.

Un drap léger, une toile lâche, une dentelle faible, un galon mince, ne sont pas toujours fins.

Ce mot a du rapport avec finir : de là viennent les finesses de l’art ; ainsi on dit la finesse du pinceau de Vanderwerf, de Mieris ; on dit un cheval fin, de l’or fin, un diamant fin. Le cheval fin est opposé au cheval grossier ; le diamant fin, au faux ; l’or fin ou affiné, à l’or mêlé d’alliage.

La finesse se dit communément des choses déliées, et de la légèreté de la main-d’œuvre. Quoiqu’on dise un cheval fin, on ne dit guère la finesse d’un cheval. On dit la finesse des cheveux, d’une dentelle, d’une étoffe. Quand on veut, par ce mot, exprimer le défaut ou le mauvais emploi de quelque chose, on ajoute l’adverbe trop. Ce fil s’est cassé, il était trop fin ; cette étoffe est trop fine pour la saison.

  1. Encyclopédie, tome VI, 1756. (B.)