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FERTILISATION.

ront que leurs bras pour toute fortune, plus les terres seront en valeur. Mais pour employer utilement ces bras, il faut que les seigneurs soient sur les lieux[1].

7° Il ne faut pas qu’un seigneur s’attende, en faisant cultiver sa terre sous ses yeux, à faire la fortune d’un entrepreneur des hôpitaux ou des fourrages de l’armée ; mais il vivra dans la plus honorable abondance[2].

8º S’il fait la dépense d’un étalon, il aura en quatre ans de beaux chevaux qui ne lui coûteront rien ; il y gagnera, et l’État aussi.

Si le fermier est malheureusement obligé de vendre tous les veaux et toutes les génisses pour être en état de payer le roi et son maître, le même seigneur fait élever ces génisses et quelques veaux. Il a au bout de trois ans des troupeaux considérables sans frais. Tous ces détails produisent l’agréable et l’utile. Le goût de ces occupations augmente chaque jour ; le temps affaiblit presque toutes les autres.

9º S’il y a de mauvaises récoltes, des dommages, des pertes, le seigneur est en état de les réparer. Le fermier et le métayer ne peuvent même les supporter. Il est donc essentiel à l’État que les possesseurs habitent souvent leurs domaines.

10º Les évêques qui résident font du bien aux villes. Si les abbés commendataires résidaient, ils feraient du bien aux campagnes : leur absence est préjudiciable.

11° Il est d’autant plus nécessaire de songer aux richesses de la terre que les autres peuvent aisément nous échapper ; la balance du commerce peut ne nous être plus favorable ; nos espèces peuvent passer chez l’étranger, les biens fictifs peuvent se perdre, la terre reste.

12° Nos nouveaux besoins nous imposent la nécessité d’avoir de nouvelles ressources. Les Français et les autres peuples n’avaient point imaginé, du temps de Henri IV, d’infecter leurs nez d’une poudre noire et puante, et de porter dans leurs poches des linges remplis d’ordure, qui auraient inspiré autrefois l’horreur et le

  1. La question de savoir si un grand terrain cultivé par un seul propriétaire donne un produit brut ou un produit net plus grand ou moindre que le même terrain partagé en petites propriétés, cultivées chacune par le possesseur, n’a point encore été complètement résolue. Il est vrai qu’en général, dans toute manufacture, plus on divise le travail entre des ouvriers occupés chacun d’une même chose, plus on obtient de perfection et d’économie.

    Mais jusqu’à quel point ce principe se peut-il appliquer à l’agriculture, ou plus généralement à un art dont les procédés successifs sont assujettis à certaines périodes, à l’ordre des saisons? (K.)

  2. Voyez Agriculture. (Note de Voltaire.)