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CATÉCHISME DU JAPONAIS.

repos des citoyens. Nous avons pourvu à ce danger. Il n’y a que ceux qui mangent à la royale qui soient susceptibles des dignités de l’État : tous les autres peuvent dîner à leur fantaisie, mais ils sont exclus des charges. Les attroupements sont souverainement défendus, et punis sur-le-champ sans rémission ; toutes les querelles à table sont réprimées soigneusement, selon le précepte de notre grand cuisinier japonais qui a écrit dans la langue sacrée, Suti raho Cus flac[1] :

Natis in usum lætitiae scyphis
Pugnare Thracum est....

(Horace, liv. I, ode xxvii.)

ce qui veut dire : Le dîner est fait pour une joie recueillie et honnête, et il ne faut pas se jeter les verres à la tête.

Avec ces maximes nous vivons heureusement chez nous ; notre liberté est affermie sous nos taicosema ; nos richesses augmentent, nous avons deux cents jonques de ligne, et nous sommes la terreur de nos voisins.

L’INDIEN.

Pourquoi donc le bon versificateur Recina, fils de ce poëte indien Recina[2] si tendre, si exact, si harmonieux, si éloquent, a-t-il dit dans un ouvrage didactique en rimes, intitulé la Grâce et non les Grâces :

[3] Le Japon, où jadis brilla tant de lumière,
N’est plus qu’un triste amas de folles visions ?

LE JAPONAIS.

Le Recina dont vous me parlez est lui-même un grand visionnaire. Ce pauvre Indien ignore-t-il que nous lui avons enseigné ce que c’est que la lumière ; que si on connaît aujourd’hui dans

  1. Anagramme de Horatius Flaccus. (B.)
  2. Racine ; probablement Louis Racine, fils de l’admirable Racine.

    N. B. — Cet Indien Recina, sur la foi des rêveurs de son pays, a cru qu’on ne pouvait faire de bonnes sauces que quand Brama, par une volonté toute particulière, enseignait lui-même la sauce à ses favoris ; qu’il y avait un nombre infini de cuisiniers auxquels il était impossible de faire un ragoût avec la ferme volonté d’y réussir, et que Brama leur en ôtait les moyens par pure malice. On ne croit pas au Japon une pareille impertinence, et on y tient pour une vérité incontestable cette sentence japonaise :

    God never acts by partial will, but by general laws.

    (Note de Voltaire.)
  3. Ces vers sont du chant IV du poëme de la Grâce. Voltaire les cite textuellement dans le xe entretien de l’A B C, dialogue. Voyez les Mélanges, année 1768. ( B.)