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CATÉCHISME DU CURÉ.

chimères des sophistes et des illusions des faux prophètes. L’amour du prochain sera ma vertu sur le trône, et l’amour de Dieu ma religion. Je mépriserai le dieu Fo, et Laotzée, et Vitsnou, qui s’est incarné tant de fois chez les Indiens, et Sammonocodom, qui descendit du ciel pour venir jouer au cerf-volant chez les Siamois, et les Camis qui arrivèrent de la lune au Japon.

Malheur à un peuple assez imbécile et assez barbare pour penser qu’il y a un Dieu pour sa seule province ! c’est un blasphème. Quoi ! la lumière du soleil éclaire tous les yeux, et la lumière de Dieu n’éclairerait qu’une petite et chétive nation dans un coin de ce globe ! quelle horreur, et quelle sottise ! La Divinité parle au cœur de tous les hommes, et les liens de la charité doivent les unir d’un bout de l’univers à l’autre.

CU-SU.

Ô sage Kou ! vous avez parlé comme un homme inspiré par le Chang-ti même ; vous serez un digne prince. J’ai été votre docteur, et vous êtes devenu le mien.


CATÉCHISME DU CURÉ[1].


ARISTON.

Eh bien ! mon cher Téotime, vous allez donc être curé de campagne ?

TÉOTIME.

Oui ; on me donne une petite paroisse, et je l’aime mieux qu’une grande. Je n’ai qu’une portion limitée d’intelligence et d’activité ; je ne pourrais certainement pas diriger soixante et dix mille âmes, attendu que je n’en ai qu’une ; un grand troupeau m’effraye, mais je pourrai faire quelque bien à un petit. J’ai étudié assez de jurisprudence pour empêcher, autant que je le pourrai, mes pauvres paroissiens de se ruiner en procès. Je sais assez de médecine pour leur indiquer des remèdes simples quand ils seront malades. J’ai assez de connaissance de l’agriculture pour leur donner quelquefois des conseils utiles. Le seigneur du lieu et sa femme sont d’honnêtes gens qui ne sont point dévots, et qui

  1. Ce morceau a paru pour la première fois en 1764 dans la première édition du Dictionnaire philosophique. Voltaire le conserva dans les différentes éditions de ce livre, et le reproduisit en 1771 dans le quatrième volume de ses Questions sur l’Encyclopédie : il en avait fait la seconde section de l’article Curé. (B.)