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CATÉCHISME CHINOIS.
KOU.

Je trouve l’hospitalité fort bonne ; je l’exerce avec plaisir, mais je crains l’abus. Il y a des gens vers le Grand-Thibet qui sont fort mal logés, qui aiment à courir, et qui voyageraient pour rien d’un bout du monde à l’autre ; et quand vous irez au Grand-Thibet jouir chez eux du droit de l’hospitalité, vous ne trouverez ni lit ni pot-au-feu ; cela peut dégoûter de la politesse.

CU-SU.

L’inconvénient est petit ; il est aisé d’y remédier en ne recevant que des personnes bien recommandées. Il n’y a point de vertu qui n’ait ses dangers ; et c’est parce qu’elles en ont qu’il est beau de les embrasser.

Que notre Confufzée est sage et saint ! il n’est aucune vertu qu’il n’inspire ; le bonheur des hommes est attaché à chacune de ses sentences ; en voici une qui me revient dans la mémoire, c’est la cinquante-troisième :

« Reconnais les bienfaits par des bienfaits, et ne te venge jamais des injures. »

Quelle maxime, quelle loi les peuples de l’Occident pourraient-ils opposer à une morale si pure ? En combien d’endroits Confutzée recommande-t-il l’humilité ! Si on pratiquait cette vertu, il n’y aurait jamais de querelles sur la terre.

KOU.

J’ai lu tout ce que Confutzée et les sages des siècles antérieurs ont écrit sur l’humilité ; mais il me semble qu’ils n’en ont jamais donné une définition assez exacte : il y a peu d’humilité peut-être à oser les reprendre ; mais j’ai au moins l’humilité d’avouer que je ne les ai pas entendus. Dites-moi ce que vous en pensez.

CU-SU.

J’obéirai humblement. Je crois que l’humilité est la modestie de l’âme : car la modestie extérieure n’est que la civilité. L’humilité ne peut pas consister à se nier soi-même la supériorité qu’on peut avoir acquise sur un autre. Un bon médecin ne peut se dissimuler qu’il en sait davantage que son malade en délire ; celui qui enseigne l’astronomie doit s’avouer qu’il est plus savant que ses disciples ; il ne peut s’empêcher de le croire, mais il ne doit pas s’en faire accroire. L’humilité n’est pas l’abjection ; elle est le correctif de l’amour-propre, comme la modestie est le correctif de l’orgueil.

KOU.

Eh bien ! c’est dans l’exercice de toutes ces vertus et dans le culte d’un Dieu simple et universel que je veux vivre, loin des