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CATÉCHISME CHINOIS.

qui est défendu ? Qui pourra poser sûrement les bornes qui séparent le bien et le mal ? quelle règle me donnerez-vous pour les discerner ?

CU-SU.

Celle de Confutzée, mon maître : « Vis comme en mourant tu voudrais avoir vécu ; traite ton prochain comme tu veux qu’il te traite. »

KOU.

Ces maximes, je l’avoue, doivent être le code du genre humain ; mais que m’importera en mourant d’avoir bien vécu ? qu’y gagnerai-je ? Cette horloge, quand elle sera détruite, sera-t-elle heureuse d’avoir bien sonné les heures ?

CU-SU.

Cette horloge ne sent point, ne pense point ; elle ne peut avoir des remords, et vous en avez quand vous vous sentez coupable.

KOU.

Mais si, après avoir commis plusieurs crimes, je parviens à n’avoir plus de remords ?

CU-SU.

Alors il faudra vous étouffer ; et soyez sûr que parmi les hommes qui n’aiment pas qu’on les opprime il s’en trouvera qui vous mettront hors d’état de faire de nouveaux crimes.

KOU.

Ainsi Dieu, qui est en eux, leur permettra d’être méchants après m’avoir permis de l’être ?

CU-SU.

Dieu vous a donné raison : n’en abusez, ni vous, ni eux. Non-seulement vous serez malheureux dans cette vie, mais qui vous a dit que vous ne le seriez pas dans une autre ?

KOU.

Et qui vous a dit qu’il y a une autre vie ?

CU-SU.

Dans le doute seul, vous devez vous conduire comme s’il y en avait une.

KOU.

Mais si je suis sûr qu’il n’y en a point ?

CU-SU.

Je vous en défie.