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CATÉCHISME CHINOIS.

lions de milliards d’univers devant lesquels nous disparaissons. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de joindre ici notre faible voix à celle des êtres innombrables qui rendent hommage à Dieu dans l’abîme de l’étendue.

KOU.

On nous a donc bien trompés quand on nous a dit que Fo était descendu chez nous du quatrième ciel, et avait paru en éléphant blanc.

CU-SU.

Ce sont des contes que les bonzes font aux enfants et aux vieilles : nous ne devons adorer que l’auteur éternel de tous les êtres.

KOU.

Mais comment un être a-t-il pu faire les autres ?

CU-SU.

Regardez cette étoile ; elle est à quinze cent mille millions de lis de notre petit globe ; il en part des rayons qui vont faire sur vos yeux deux angles égaux au sommet ; ils font les mêmes angles sur les yeux de tous les animaux : ne voilà-t-il pas un dessein marqué ? ne voilà-t-il pas une loi admirable ? Or qui fait un ouvrage, sinon un ouvrier ? qui fait des lois, sinon un législateur ? Il y a donc un ouvrier, un législateur éternel.

KOU.

Mais qui a fait cet ouvrier ? et comment est-il fait ?

CU-SU.

Mon prince, je me promenais hier auprès du vaste palais qu’a bâti le roi votre père. J’entendis deux grillons, dont l’un disait à l’autre : « Voilà un terrible édifice. — Oui, dit l’autre ; tout glorieux que je suis, j’avoue que c’est quelqu’un de plus puissant que les grillons qui a fait ce prodige ; mais je n’ai point d’idée de cet être-là ; je vois qu’il est, mais je ne sais ce qu’il est. »

KOU.

Je vous dis que vous êtes un grillon plus instruit que moi ; et ce qui me plaît en vous, c’est que vous ne prétendez pas savoir ce que vous ignorez.

DEUXIÈME ENTRETIEN.
CU-SU.

Vous convenez donc qu’il y a un être tout-puissant, existant par lui-même, suprême artisan de toute la nature ?

KOU.

Oui ; mais s’il existe par lui-même, rien ne peut donc le bor-