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ESCLAVES.

Isaac et Jacob soient encore vivants. Mais quand c’est le Messie qui parle, il n’y a plus d’équivoque ; le sens est aussi clair que divin. Il est évident qu’Abraham, Isaac et Jacob ne sont point au rang des morts, mais qu’ils vivent dans la gloire, puisque cet oracle est prononcé par le Messie ; mais il fallait que ce fût lui qui le dît.

Les discours des prophètes juifs pouvaient être équivoques aux yeux des hommes grossiers qui n’en pénétraient pas le sens ; mais ils ne le furent pas pour les esprits éclairés des lumières de la foi.

Tous les oracles de l’antiquité étaient équivoques : l’un prédit à Crésus qu’un puissant empire succombera ; mais sera-ce le sien ? sera-ce celui de Cyrus ? L’autre dit à Pyrrhus que les Romains peuvent le vaincre, et qu’il peut vaincre les Romains. Il est impossible que cet oracle mente.

Lorsque Septime Sévère, Pescennius Niger et Clodius Albinus disputaient l’empire, l’oracle de Delphes consulté (malgré le jésuite Baltus, qui prétend que les oracles avaient cessé) répondit : « Le brun est fort bon, le blanc ne vaut rien, l’africain est passable. » On voit qu’il y avait plus d’une manière d’expliquer un tel oracle.

Quand Aurélien consulta le dieu de Palmyre (et toujours malgré Baltus), le dieu dit que les colombes craignent le faucon. Quelque chose qui arrivât, le dieu se tirait d’affaire. Le faucon était le vainqueur, les colombes étaient les vaincus.

Quelquefois des souverains ont employé l’équivoque aussi bien que les dieux. Je ne sais quel tyran ayant juré à un captif de ne le pas tuer, ordonna qu’on ne lui donnât point à manger, disant qu’il lui avait promis de ne le pas faire mourir, mais non de contribuer à le faire vivre[1].


ESCLAVES[2].


SECTION PREMIÈRE.


Pourquoi appelons-nous esclaves ceux que les Romains appelaient servi, et les Grecs δουλοι ? L’étymologie est ici fort en défaut, et les Bochart ne pourront faire venir ce mot de l’hébreu.

Le plus ancien monument que nous ayons de ce nom d’esclave est le testament d’un Ermangaut, archevêque de Narbonne, qui

  1. Voyez l’article Abus des mots. (Note de Voltaire.)
  2. Les quatre sections de cet article ont paru dans les Questions sur l’Encyclopédie, cinquième partie, 1771. (B.)