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ÉPOPÉE.

l’Écossais, n’en demanda pas davantage. L’accusateur, confondu, fut obligé de désavouer sa manœuvre et d’en demander pardon.

Depuis ce temps on imprima une nouvelle édition de Masenius, en 1757[1]. Le public littéraire fut surpris du grand nombre de très-beaux vers dont la Sarcotis était parsemée. Ce n’est à la vérité qu’une longue déclamation de collége sur la chute de l’homme ; mais l’exorde, l’invocation, la description du jardin d’Éden, le portrait d’Ève, celui du diable, sont précisément les mêmes que dans Milton. Il y a bien plus : c’est le même sujet, le même nœud, la même catastrophe. Si le diable veut, dans Milton, se venger sur l’homme du mal que Dieu lui a fait, il a précisément le même dessein chez le jésuite Masenius ; et il le manifeste dans des vers dignes peut-être du siècle d’Auguste :

. . . . . . . . . Semel excidimus crudelibus astris,
Et conjuratas involvit terra cohortes.
Fata manent, tenet et superos oblivio nostri ;
Indecore premimur, vulgi tolluntur inertes
Ac viles animæ, cœloquo fruunlur aperto :
Nos, divum soboles, patriaque in sede locandi,
Pellimur exilio, mœstoque Acheronte tenemur.
Heu ! dolor ! et superum decreta indigna ! Fatiscat
Orbis, et antiquo turbentur cuncta tumultu,
Ac redeat deforme Chaos ; Styx atra ruinam
Terrarum excipiat, fatoque impellat eodem
Et cœlum, et cœli cives. Ut inulta cadamus
Turba, nec umbrarum pariter caligino raptam
Sarcoteam, invisum caput, involvamus ! ut astris
Regnantem, et nobis domina cervice minantem,
Ignavi patiamur ? Adhuc tamen improba vivit !
Vivit adhuc, fruiturque Dei secura favore !
Cernimus ! et quicquam furiarum absconditur Orco !
Vah ! pudor, æternumque probrum Stygis ! Occidat, amens,
Occidat, et nostræ subeat consortia culpæ.
Hæc mihi secluso cœlis solalia tantum
Excidii restant. Juvat hac consorte malorum
Posse frui, juvat ad nostram seducere pœnam
Frustra exultantem, patriaque exsorte superbam.
Ærumnas exempta levant ; minor illa ruina est,
Quæ caput adversi labens oppresserit hostis.

(Sarcotis, I, 271 et seq.)
  1. En publiant, en 1757, une édition de la Sarcotis, Barbou publia en même temps une traduction en prose par l’abbé Dinouart ; le texte et la traduction sont souvent reliés dans le même volume. (B.)