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ÉPOPÉE.

s’est pas douté que l’Arioste raillait de toutes ses imaginations. Voyez seulement le prologue du vingt-quatrième chant :

Chi mette il piè sul’ amorosa pania
Cerchi ritrarlo, e non v’inveschi l’ale ;
Chè non è in somma amor se non insania,
A giudicio de’ savi universale.
E sebben, come Orlando, ognum non smania,
Suo furor mostra a qualche altro segnale ;
E quai è di pazzia segno più espresso
Chè per altri voler perder se stesso ?

Varj gli effetti son ; ma la pazzia
È tutt’ una però che li fa uscire.
Gli è come una gran selva, ove la via
Conviene a forza, a chi vi va, fallire ;
Chi su, chi giù, chi quà, chi la travia.
Per concludere in somma, io vi vo’ dire :
A chi in amor s’invecchia, oltr’ ogni pena
Si convengono i ceppi, e la catena.

Ben mi si potria dir : Frate, tu vai
L’altrui mostrando, e non vedi il tuo fallo.
Io vi rispondo che comprendo assai,
Or che di mente ho lucido intervallo ;
Ed ho gran cura (e spero farlo omai)
Di riposarmi, e d’uscir fuor di ballo.
Ma tosto far, come vorrei, nol posso ;
Che’l male è penetrato infin all’osso.

Voici comme Mirabaud traduit sérieusement cette plaisanterie :

« Que celui qui a mis le pied sur les gluaux de l’amour tâche de l’en tirer promptement, et qu’il prenne bien garde à n’y pas laisser aussi engluer ses ailes : car, au jugement unanime des plus sages, l’amour est une vraie folie. Quoique tous ceux qui s’y abandonnent ne deviennent pas furieux comme Roland, il n’y en a cependant pas un seul qui ne fasse voir de quelque manière combien sa raison est égarée....

« Les effets de cette manie sont différents, mais une même cause les produit ; c’est comme une épaisse forêt où quiconque veut entrer s’égare nécessairement : l’un prend à droite, l’autre prend à gauche ; l’un marche en montant, l’autre en descendant. Sans compter enfin toutes les autres peines que l’amour fait souffrir, il nous ôte encore la liberté et nous charge de fers.

« Quelqu’un me dira peut-être : Eh ! mon ami, prenez pour