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ÉPIGRAMME.

plupart fines et gracieuses ; elles n’ont rien des images grossières que Catulle et Martial ont prodiguées, et que Marot et d’autres ont imitées. En voici quelques-unes traduites avec une brièveté dont on a souvent reproché à la langue française d’être privée. L’auteur est inconnu[1].


Sur les sacrifices à Hercule.

Un peu de miel, un peu de lait,
Rendent Mercure favorable ;
Hercule est bien plus cher, il est bien moins traitable ;
Sans deux agneaux par jour il n’est point satisfait.
On dit qu’à mes moutons ce dieu sera propice.
Qu’il soit béni ! mais entre nous,
C’est un peu trop en sacrifice :
Qu’importe qui les mange, ou d’Hercule ou des loups[2] ?


Sur Laïs, qui remit son miroir dans le temple de Vénus.

Je le donne à Vénus puisqu’elle est toujours belle ;
Il redouble trop mes ennuis :
Je ne saurais me voir dans ce miroir fidèle
Ni telle que j’étais, ni telle que je suis.


Sur une statue de Vénus.

Oui, je me montrai toute nue.
Au dieu Mars, au bel Adonis,
À Vulcain même, et j’en rougis ;
Mais Praxitèle, où m’a-t-il vue ?


Sur une statue de Niobé.

Le fatal courroux des dieux
Changea cette femme en pierre ;
Le sculpteur a fait bien mieux :
Il a fait tout le contraire.

  1. C’est Voltaire lui-même.
  2. Cette première épigramme et la quatrième (sur Niobé) ont été l’objet des remarques de M. Boissonade, dans les Notices et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque du roi, tome X, page 251, à la note.