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ENFER.

Juifs, par leur Lévitique, par leur Décalogue, quand l’auteur de ces lois ne dit pas un seul mot qui puisse avoir le moindre rapport avec les châtiments de la vie future. On serait en droit de dire au rédacteur du Pentateuque ; Vous êtes un homme inconséquent et sans probité, comme sans raison, très-indigne du nom de législateur que vous vous arrogez ! Quoi ! vous connaissez un dogme aussi réprimant, aussi nécessaire au peuple que celui de l’enfer, et vous ne l’annoncez pas expressément ? et tandis qu’il est admis chez toutes nations qui vous environnent, vous vous contentez de laisser deviner ce dogme par quelques commentateurs qui viendront quatre mille ans après vous, et qui donneront la torture à quelques-unes de vos paroles pour y trouver ce que vous n’avez pas dit ? Ou vous êtes un ignorant, qui ne savez pas que cette créance était universelle en Égypte, en Chaldée, en Perse ; ou vous êtes un homme très-malavisé, si, étant instruit de ce dogme, vous n’en avez pas fait la base de votre religion.

Les auteurs des lois juives pourraient tout au plus répondre : Nous avouons que nous sommes excessivement ignorants ; que nous avons appris à écrire fort tard ; que notre peuple était une horde sauvage et barbare qui, de notre aveu, erra près d’un demi-siècle dans des déserts impraticables ; qu’elle usurpa enfin un petit pays par les rapines les plus odieuses, et par les cruautés les plus détestables dont jamais l’histoire ait fait mention. Nous n’avions aucun commerce avec les nations policées : comment voulez-vous que nous pussions (nous, les plus terrestres des hommes) inventer un système tout spirituel ?

Nous ne nous servions du mot qui répond à âme que pour signifier la vie ; nous ne connûmes notre Dieu et ses ministres, ses anges, que comme des êtres corporels : la distinction de l’âme et du corps, l’idée d’une vie après la mort, ne peuvent être que le fruit d’une longue méditation et d’une philosophie très-fine. Demandez aux Hottentots et aux Nègres, qui habitent un pays cent fois plus étendu que le nôtre, s’ils connaissent la vie avenir. Nous avons cru faire assez de persuader à notre peuple que Dieu punissait les malfaiteurs jusqu’à la quatrième génération, soit par la lèpre, soit par des morts subites, soit par la perte du peu de bien qu’on pouvait posséder.

On répliquerait à cette apologie : Vous avez inventé un système dont le ridicule saute aux yeux ; car le malfaiteur qui se portait bien, et dont la famille prospérait, devait nécessairement se moquer de vous.

L’apologiste de la loi judaïque répondrait alors : Vous vous