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ENFER.

on aurait beau prendre vingt tasses de chocolat, on n’en inspirera pas plus de goût pour sa personne.

. . . . . . . . . Ut ameris, amabilis esto.

(Ovid., A. A., II, 107.)

Pour être aimé, soyez aimable.


ENFER[1].


Inferum, souterrain : les peuples qui enterraient les morts les mirent dans le souterrain ; leur âme y était donc avec eux. Telle est la première physique et la première métaphysique des Égyptiens et des Grecs.

Les Indiens, beaucoup plus anciens, qui avaient inventé le dogme ingénieux de la métempsycose, ne crurent jamais que les âmes fussent dans le souterrain.

Les Japonais, les Coréens, les Chinois, les peuples de la vaste Tartarie orientale et occidentale, ne surent pas un mot de la philosophie du souterrain.

Les Grecs, avec le temps, firent du souterrain un vaste royaume qu’ils donnèrent libéralement à Pluton et à Proserpine sa femme. Ils leur assignèrent trois conseillers d’État, trois femmes de charge, nommées les Furies, trois parques pour filer, dévider, et couper le fil de la vie des hommes ; et comme dans l’antiquité chaque héros avait son chien pour garder sa porte, on donna à Pluton un gros chien qui avait trois têtes : car tout allait par trois. Des trois conseillers d’État, Minos, Éaque et Rhadamanthe, l’un jugeait la Grèce, l’autre l’Asie Mineure (car les Grecs ne connaissaient pas alors la grande Asie), le troisième était pour l’Europe.

  1. Dans l’édition de 1764 du Dictionnaire philosophique, l’article commençait par ces mots : « Dès que les hommes vécurent en société, etc. » (Voyez ci-après, page 544.) Tout ce qui précède est de 1771, Questions sur l’Encyclopédie, cinquième partie. (B.)

    — « Je suis fâché de voir, écrit Voltaire à d’Alembert, 24 mai 1757, que le chevalier de Jaucourt, à l’article Enfer, prétende que l’enfer était un point de la doctrine de Moïse ; cela n’est pas vrai, de par tous les diables ! Pourquoi mentir ? « Et d’Alembert lui répondait : « Vous faites injure au chevalier de Jaucourt, de mettre sur son compte l’article Enfer ; il est de notre théologien, docteur et professeur de Navarre (Mallet), qui est mort à la peine, et qui sait actuellement si l’enfer de la nouvelle loi est plus réel que celui de l’ancienne. Au reste, cet article Enfer n’est pas sans mérite, l’auteur y a eu le courage de dire qu’on ne pouvait pas prouver l’éternité des peines par la raison : cela est fort pour un sorbonniste. »