mais vous vous mettrez plus au fait si vous lisez le plaidoyer[1] qu’Apulée composa lorsqu’il fut accusé par un chrétien, dont il avait épousé la fille, de l’avoir ensorcelée par des philtres. Son beau-père Émilien prétendait qu’Apulée s’était servi principalement de certains poissons, attendu que Vénus étant née de la mer, les poissons devaient exciter prodigieusement les femmes à l’amour.
On se servait d’ordinaire de verveine, de ténia, de l’hippomane, qui n’était autre chose qu’un peu de l’arrière-faix d’une jument lorsqu’elle produit son poulain, d’un petit oiseau nommé parmi nous hoche-queue, en latin motacilla.
Mais Apulée était principalement accusé d’avoir employé des coquillages, des pattes d’écrevisses, des hérissons de mer, des huîtres cannelées, du calmar, qui passe pour avoir beaucoup de semence, etc.
Apulée fait assez entendre quel était le véritable philtre qui avait engagé Pudentilla à se donner à lui. Il est vrai qu’il avoue dans son plaidoyer que sa femme l’avait appelé un jour magicien. « Mais quoi ! dit-il, si elle m’avait appelé consul, serais-je consul pour cela ? »
Le satyrion fut regardé chez les Grecs et chez les Romains comme le philtre le plus puissant ; on l’appelait la plante aphrodisia, racine de Vénus. Nous y ajoutons la roquette sauvage : c’est l’eruca des Latins[2] : Et venerem revocans eruca morantem. Nous y mêlons surtout un peu d’essence d’ambre. La mandragore est passée de mode. Quelques vieux débauchés se sont servis de mouches cantharides, qui portent en effet aux parties génitales, mais qui portent beaucoup plus à la vessie, qui l’excorient, et qui font uriner du sang : ils ont été cruellement punis d’avoir voulu pousser l’art trop loin.
La jeunesse et la santé sont les véritables philtres.
Le chocolat a passé pendant quelque temps pour ranimer la vigueur endormie de nos petits-maîtres vieillis avant l’âge ; mais
- ↑ Oratio de Magia.
- ↑ Martial. (Note de Voltaire.) — Ce n’est pas de Martial qu’est la fin de vers citée par Voltaire. La même faute a été commise par le traducteur de Juvénal ; Dusaulx, dans sa trente et unième note de la satire ix, va même jusqu’à indiquer l’épigramme lxxv du livre III, Il y est dit :
. . . . . . Nihil erucæ facient.
Mais le
Venerem revocans eruca morantem
est dans le Moretum (v. 86), ouvrage attribué à Virgile. (B.)