Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/532

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
522
EMBLÈME.

des emblèmes et des figures établi ; mais plus aussi ces images sont-elles éloignées de nos mœurs et de nos coutumes.

C’est surtout chez les Indiens, les Égyptiens, les Syriens, que les emblèmes qui nous paraissent les plus étranges étaient consacrés. C’est là qu’on portait en procession avec le plus profond respect les deux organes de la génération, les deux symboles de la vie. Nous en rions, nous osons traiter ces peuples d’idiots barbares, parce qu’ils remerciaient Dieu innocemment de leur avoir donné l’être. Qu’auraient-ils dit s’ils nous avaient vus entrer dans nos temples avec l’instrument de la destruction à notre côté ?

À Thèbes, on représentait les péchés du peuple par un bouc. Sur la côte de Phénicie, une femme nue avec une queue de poisson était l’emblème de la nature.

Il ne faut donc pas s’étonner si cet usage des symboles pénétra chez les Hébreux, lorsqu’ils eurent formé un corps de peuple vers le désert de la Syrie.


DE QUELQUES EMBLÈMES DANS LA NATION JUIVE.


Un des plus beaux emblèmes des livres judaïques est ce morceau de l’Ecclésiaste : «  Quand les travailleuses au moulin seront en petit nombre et oisives, quand ceux qui regardaient par les trous s’obscurciront, que l’amandier fleurira, que la sauterelle s’engraissera, que les câpres tomberont, que la cordelette d’argent se cassera, que la bandelette d’or se retirera..., et que la cruche se brisera sur la fontaine... »

Cela signifie que les vieillards perdent leurs dents, que leur vue s’affaiblit, que leurs cheveux blanchissent comme la fleur de l’amandier, que leurs pieds s’enflent comme la sauterelle, que leurs cheveux tombent comme les feuilles du câprier, qu’ils ne sont plus propres à la génération, et qu’alors il faut se préparer au grand voyage.

Le Cantique des cantiques[1] est (comme on sait) un emblème continuel du mariage de Jésus-Christ avec l’Église :

« Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche, car vos tétons sont meilleurs que du vin — qu’il mette sa main gauche sous ma tête, et qu’il m’embrasse de la main droite — que tu es belle, ma

  1. Voltaire en a donné une traduction en vers ; voyez le tome IX de la présente édition.