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EMBLÈME.


EMBLÈME[1].


FIGURE, ALLÉGORIE, SYMBOLE, etc.


Tout est emblème et figure dans l’antiquité. On commence en Chaldée par mettre un bélier, deux chevreaux, un taureau, dans le ciel, pour marquer les productions de la terre au printemps. Le feu est le symbole de la Divinité dans la Perse ; le chien céleste avertit les Égyptiens de l’inondation du Nil ; le serpent qui cache sa queue dans sa tête devient l’image de l’éternité. La nature entière est peinte et déguisée.

Vous retrouvez encore dans l’Inde plusieurs de ces anciennes statues effrayantes et grossières dont nous avons déjà parlé[2], qui représentent la vertu munie de dix grands bras avec lesquels elle doit combattre les vices, et que nos pauvres missionnaires ont prise pour le portrait du diable, ne doutant pas que tous ceux qui ne parlaient pas français ou italien n’adorassent le diable.

Mettez tous ces symboles de l’antiquité sous les yeux de l’homme du sens le plus droit, qui n’en aura jamais entendu parler, il n’y comprendra rien : c’est une langue qu’il faut apprendre.

Les anciens poëtes théologiens furent dans la nécessité de donner des yeux à Dieu, des mains, des pieds ; de l’annoncer sous la figure d’un homme.

Saint Clément d’Alexandrie[3] rapporte ces vers de Xénophanes le Colophonien, dignes de toute notre attention :

Grand Dieu ! quoi que l’on fasse, et quoi qu’on ose feindre, On ne peut te comprendre, et moins encor te peindre. Chacun figure en toi ses attributs divers : Les oiseaux te feraient voltiger dans les airs, Les bœufs te prêteraient leurs cornes menaçantes, Les lions t’armeraient de leurs dents déchirantes, Les chevaux dans les champs te feraient galoper.

On voit par ces vers de Xénophanes que ce n’est pas d’aujourd’hui que les hommes ont fait Dieu à leur image. L’ancien

  1. Questions sur l’Encyclopédie, cinquième partie, 1771. (B.)
  2. Voyez l’article Brachmanes, page 34 ; le chapitre xxix du Précis du Siècle de Louis XV, tome XV ; le chapitre vi de Dieu et les Hommes (Mélanges, année 1769) ; et la seconde note des Lettres d’Amabed.
  3. Stromates, livre V. (Note de Voltaire.)