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ÉLIE ET ÉNOCH.

de la destruction générale que les hommes attendaient : car presque toute l’antiquité fut longtemps persuadée que le monde serait bientôt détruit.

Nous n’adoptons point ces allégories, et nous nous en tenons à ce qui est rapporté dans l’Ancien Testament.

Énoch est un personnage aussi singulier qu’Élie, à cela près que la Genèse nomme son père et son fils, et que la famille d’Élie est inconnue. Les Orientaux et les Occidentaux ont célébré cet Énoch.

La sainte Écriture, qui est toujours notre guide infaillible, nous apprend qu’Énoch fut père de Mathusala ou Mathusalem, et qu’il ne vécut sur la terre que trois cent soixante et cinq ans, ce qui a paru une vie bien courte pour un des premiers patriarches. Il est dit qu’il marcha avec Dieu, et qu’il ne parut plus, parce que Dieu l’enleva. « C’est ce qui fait, dit dom Calmet, que les Pères et le commun des commentateurs assurent qu’Énoch est encore en vie, que Dieu l’a transporté hors du monde aussi bien qu’Élie, qu’ils viendront avant le jugement dernier s’opposer à l’antechrist, qu’Élie prêchera aux Juifs, et Énoch aux Gentils. »

Saint Paul, dans son Épître aux Hébreux (qu’on lui a contestée), dit expressément : « C’est par la foi qu’Énoch fut enlevé, afin qu’il ne vît point la mort ; et on ne le vit plus, parce que le Seigneur le transporta. »

Saint Justin, ou celui qui a pris son nom, dit qu’Énoch et Élie sont dans le paradis terrestre, et qu’ils y attendent le second avènement de Jésus-Christ.

Saint Jérôme, au contraire, croit[1] qu’Énoch et Élie sont dans le ciel. C’est ce même Énoch, septième homme après Adam, qu’on prétend avoir écrit un livre cité par saint Jude[2].

Tertullien dit[3] que cet ouvrage fut conservé dans l’arche, et qu’Énoch en fit même une seconde copie après le déluge.

Voilà ce que la sainte Écriture et les Pères nous disent d’Énoch ; mais les profanes de l’Orient en disent bien davantage. Ils croient en effet qu’il y a eu un Énoch, et qu’il fut le premier qui fit des esclaves à la guerre : ils l’appellent tantôt Énoch, tantôt Édris ; ils disent que c’est lui qui donna des lois aux Égyptiens sous le nom de ce Thaut appelé par les Grecs Hermès Trismégiste. On lui donne un fils nommé Sabi, auteur de la religion des Sabiens ou Sabéens.

  1. Jérôme, Commentaire sur Amos. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez l’article Apocryphes. (Id.)
  3. Lib. I, De Cultu fœminarum, etc. (Id.)