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ÉGLISE.

tout enseigné. Les Évangiles furent écrits en grec. Il n’y avait pas un dogme, un rite, un mystère, un usage qui ne fût grec ; depuis le mot de baptême jusqu’au mot d’eucharistie, tout était grec. On ne connut de Pères de l’Église que parmi les Grecs jusqu’à saint Jérôme, qui même n’était pas Romain, puisqu’il était de Dalmatie. Saint Augustin, qui suivit de près saint Jérôme, était Africain. Les sept grands conciles œcuméniques furent tenus dans des villes grecques ; les évêques de Rome n’y parurent jamais, parce qu’ils ne savaient que leur latin, qui même était déjà corrompu.

L’inimitié entre Rome et Constantinople éclata dès l’an 452, au concile de Chalcédoine, assemblé pour décider si Jésus-Christ avait eu deux natures et une personne, ou deux personnes avec une nature. On y décida que l’Église de Constantinople était en tout égale à celle de Rome pour les honneurs, et le patriarche de l’une égal en tout au patriarche de l’autre. Le pape saint Léon souscrivit aux deux natures ; mais ni lui ni ses successeurs ne souscrivirent à l’égalité. On peut dire que dans cette dispute de rang et de prééminence on allait directement contre les paroles de Jésus-Christ rapportées dans l’Évangile : « Il n’y aura parmi vous ni premier ni dernier. » Les saints sont saints, mais l’orgueil se glisse partout : le même esprit qui fait écumer de colère le fils d’un maçon devenu évêque d’un village, quand on ne l’appelle pas monseigneur[1], a brouillé l’univers chrétien.

Les Romains furent toujours moins disputeurs, moins subtils que les Grecs ; mais ils furent bien plus politiques. Les évêques d’Orient, en argumentant, demeurèrent sujets ; celui de Rome, sans arguments, sut établir enfin son pouvoir sur les ruines de l’empire d’Occident ; et on pouvait dire des papes ce que Virgile dit des Scipions et des Césars :

Romanos rerum dominos gentemque togatam.

(Virg., Æneid., I, 286.)

vers digne de Virgile, rendu comiquement par un de nos vieux traducteurs :

Tous gens en robe et souverains des rois.

La haine devint une scission du temps de Photius, pâpa ou surveillant de l’Église bizantine, et Nicolas Ier, pâpa ou surveil-

  1. Biord, évêque d’Annecy. (K.)